vendredi 30 novembre 2007

Mes (a)voeux les plus sincères

Drôles d'événements que les anniversaires. Par principe, je dirais qu'ils ne sont que des conventions, dans lesquelles à tout prix il faudrait ne pas sombrer. Mais, que ce soit par opportunisme ou par sagesse, quand on m'offre de jouer le jeu, je l'accepte, et je fais avec. Dimanche il y aura un déjeuner, et je repousse d'une année ou deux l'idée qu'un anniversaire est insignifiant, parce que j'ai envie d'en profiter tant que ce que j'appelle mes "principes" ne me préoccupe pas encore entièrement, et je me dis qu'une fois que je serai lâchée dans la nature, seule face à mes choix, je m'appliquerai à ne plus marquer tant cette coutume de célébrer le jour de ma naissance. En attendant, un autre principe me dicte de ne pas m'épancher dans la gratuité des actes, et de me faire plaisir tant que je le peux, et il me semble qu'il serait gratuit de refuser de voir ma famille, et que cela ne me ferait pas plaisir que personne ne pense à moi aujourd'hui. D'ailleurs, "profitons tant que l'on peut profiter", et pas au sens où on l'entend couramment, celui qui reviendrait à dire "profite de ton âge parce que bientôt tu ne pourras plus faire ce que tu fais là" : non, plutôt, "profite de ton ignorance parce que bientôt tu en sauras trop pour trouver le bonheur en toute chose". Je me suis déjà ôté tout plaisir de faire la fête par ma désoeuvrante lucidité sur le sujet, probablement accrue par un certain recul social ; alors l'anniversaire y passera plus tard. Et voilà que je parle avec ma conscience, et que chaque mot tend à me déculpabiliser de quelque chose dont personne ne me tient coupable, en-dehors de moi-même. Le poison des principes s'étend dans mon corps. Un moment, je me demande si tout cela n'est pas ridicule, d'autant plus que je n'avais jamais réellement réfléchi au rôle d'un anniversaire, et que, si culpabilité il y a, elle n'est due qu'à un pressentiment. Les principes détruisent et structurent. Je comprends ça lorsque je regarde mon père, car je le sais à la fois satisfait et insatisfait, mais au moins sûr de n'être aucun des deux. Il a structuré sa pensée sur un certain nombre d'idées évolutives, et cela lui coûte parfois, parce qu'en n'écoutant que la part d'humanité qu'il a en lui, il ne suivrait peut-être pas ses principes. Mais le propre de l'homme est justement de structurer ses pensées pour aller dans un sens, et je ne pourrais pas vivre sans cette ligne droite sans direction fixe, parce que simplement, je n'aurais pas été homme, je n'aurais pas exploité ce qui m'avait été donné, alors même que je me plains d'avoir trop de limites. Et je préfère me détruire par des principes que d'être misérable, et de me laisser aller. Je préfère manger des restes pour survivre que de me laisser mourir de faim parce que je me sais mourrante. Et j'ai l'espoir que dans ces restes demeure un miraculeux remède contre ma maladie. Mais cet espoir je le pense d'autre part hypocrisie envers moi-même, et un principe me dicte de ne pas l'être, et de ne me fier qu'à l'instant, sans imaginer des possibilités inexistantes. Je suis donc en constante contradiction. Mon travail est de trouver un moyen de superposer ces principes pour éviter une rencontre conflictuelle ; et alors, peut-être, peut-on dire qu'il n'y a pas de principe donné de façon générale. Le principe des principes, celui que paradoxalement il faudrait ériger de façon universelle et générale, serait peut-être de ne pas appliquer bêtement ses principes, et de les adapter à chaque situation, pour être un minimum flexible. Les principes ne m'apparaissent donc plus ici que comme des moyens pour maintenir la route, celle qu'il faut à chaque instant contrôler pour ne pas trop s'en éloigner, et rester à la fois ouvert à toute évolution mais fidèle à soi.
Maintenant que le poids de la culpabilité s'est évaporé, et que je peux parler librement, dans la limite tout de même des retombées climatiques de cette évaporation, car j'aimerais autant éviter la pluie, je vais enfin arriver à mon but, qui me paraît désormais tellement insignifiant que j'ose à peine l'énoncer. Car toute cette réflexion a en réalité été déclenchée par une parole modeste au possible, et réellement tout ce qu'il y a de plus sincère. C'était au téléphone. Il faut que je décrive un minimum la situation pour que la phrase prenne un sens. Il se trouve que mon grand-père a depuis je ne me souviens plus combien de mois l'alzheimer. C'est un homme dont la vie s'est un peu échappée, parce qu'il s'est marié tôt et un peu par défaut, et qu'il a fait le même travail toute sa vie, et qu'il n'a jamais vraiment eu une grande passion pour les choses. Ce portrait est extrêmement schématique et encore plus mal renseigné, mais dans le cadre de mon anecdote, il se suffira. Ce manque de passion restreint évidemment les possibles sujets de discussion, et comme le sujet de discussion le plus praticable en famille est le souvenir et que sa mémoire lui fait défaut, cela peut provoquer un certain embarras. Ma grand-mère, de son côté, est une femme remarquable, mais autoritaire. Jamais émancipée, autodidacte, généreuse, un peu raciste sur les bords, elle doit maintenant s'occuper de son mari souffrant, tâche qu'elle prend à coeur, et que je la soupçonne d'apprécier. C'était donc au téléphone, et après que ma grand-mère m'a souhaité un bon anniversaire et dit quelques mots - car elle trouve toujours quelque chose à dire, que ce soit à propos d'un noir à la boulangerie qui n'avait même pas l'air si bête que ça ou à propos de prières pour que j'aie mon bac dans six mois - elle me passe mon grand-père, chose qui n'arrive que les jours d'anniversaire, lorsque ce qui importe est de prononcer une phrase magique et non pas d'élaborer une conversation intéressante. Ce qu'il fait : bon anniversaire. Et pour camoufler un peu la platitude de cette phrase, il l'amorce sur le ton d'une conversation qui pourrait durer. Puis un blanc. Derrière on entend ma grand-mère lui souffler ce qu'il doit dire, lui demander de conclure par un "à dimanche prochain" et de raccrocher le téléphone ; on la sent imposante, dans son rôle autoritaire et supérieur. Il s'accroche, et il dit, prévenant : "on a l'air un peu couillons comme ça, ha ha". Et il n'a pas qu'un peu raison.

lundi 26 novembre 2007

Le mal de génération musical( ce qui ne veut rien dire)

Alors que j'écoutais Harvest tout à l'heure il m'est arrivé une sensation indescriptible que je pourrais appeler (ça ne tient qu'à moi) "le mal de génération musical" c'est-à-dire écouter les disques de tes parents et te dire que leur zik était mieux que la tienne, celle du présent.
C'est vrai que les Arctic Monkeys c'est bien, je pourrai dire à mes gosses "oui j'ai fait mes 15 piges là-dessus gamin". Mais bon. Moins de profondeur. Mais bon Neil Young c'est mieux, hein.
Alors j'ignore la solution de ce complexe un peu tiré par les cheveux un peu vaseux que je me suis inventé. Faut-il arrêter d'écouter de la musique de tes parents et vivre avec Pete Doherty? rester bloqué sur ta réédition des Smiths? ou prendre tout ce qui est bon à prendre, culture rock'n folk-I-pod, ce qui reste l'intention la plus louable?
"écoute du jazz, mec"
Je ne sais pas mes amis. Bisou.

dimanche 25 novembre 2007

dimanche matin


Je me suis levée à 10h30, j'avais encore mal à la tête. J'ai regardé le bonus du dvd de La Collectionneuse d'Eric Rohmer, un petit documentaire sur la vie des étudiantes en 66, et j'ai fini les 20 minutes de citizen kane qu'il me manquait sur la première version que j'avais téléchargé et j'ai lu des trucs sur le film parce que j'avais pas trop bien compris la signification de la luge. Peut-être que d'un point de vue professionel citizen kane est le meilleur film du monde, moi je l'ai trouvé très bien mais je saurai pas vous dire s'il est le meilleur film du monde. c'est compliqué ce genre de choses et finalement insensé.là je vais prendre ma douche, la peau de mes jambes est trop gercée, ensuite je mangerai une orange, ou alors d'abord l'orange puis ensuite la douche.

vendredi 16 novembre 2007

Sensation physique du chagrin

Chez vous je sais pas, mais chez moi, ça se rapproche de deux choses : la peur (plus rien ne sera comme avant, ce genre de trucs...) et l'excitation.

L'excitation euphorique se manifestait chez moi par un frisson le long du corps, une sensation presque sexuelle d'électricité dans le creux du pied, et un afflux de sang à la tête, provoquant une agréable sensation dans les joues.

Le chagrin/peur, bizarrement, se manifeste de la même manière physique, à la notable exception du pied électrique.

samedi 10 novembre 2007

Flight of the Conchords : beautiful loser



A notre époque les séries c'est comme le reste (cinéma, musique, livres, fringues) on ne sait pas quoi choisir vu l'étendue infinie du choix.
Alors si je peux me permettre de vous conseiller une série à télécharger illégalement ce serait Flight of the Conchords que j'ai découvert dans le hors-série Series TV de Technikart pendant les grandes vacances et au même moment dans le Rock'n'folk qui se vantait d'en avoir parlé en premier alors que bien sûr Technikart l'a fait avant.
Et ouais, même après 18 ans on pense encore à des bêtises pareilles histoire de se la jouer avant-gardiste. L'éternelle question de "qui à vu quoi et avant qui?"
Enfin faudrait savoir quel magazine est sorti en premier dans les kiosques pour contenter la prétention journalistique d'un mec.

Bon, revenons à nos moutons
Pour résumer très brièvement la série :
2 mecs faisant parties du groupe Flight of the Conchords vont émigrer de Nouvelle Zélande pour s'établir aux Etats-Unis afin de faire décoller leur carrière avec ce qu'il faut de personnages abrutis mais attachants et de moments de loose pure mais trop mimi comme on aime bien en voir dans les séries et films anglophones.
Les épisodes durent environ 30 minutes et sont ponctués de chansons folk/soul hallucinantes et déjà cultes.

Vous n'avez pas besoin d'en savoir plus, il est temps pour vous de télécharger la saison 1 sur BitTorrent et de laisser allumer votre PC toute la nuit pour pouvoir la mater dans la semaine.

Allez go go go

mercredi 7 novembre 2007

Une journée (pas) comme les autres

J'ai toujours admiré les gens qui savaient rendre les histoires apparemment sans intérêt très intéressantes. Sur le moment l'illusion est à son comble et puis c'est quand on essaie de re-raconter cette histoire qu'on se rend compte de son manque de consistance. Parfois on peut ressentir la même chose en essayant de résumer un livre. Selon certains cas, on peut avoir été biaisé, car l'histoire n'avait effectivement aucun intérêt, ou bien on peut avoir eu une prise de conscience sous-jacente, et comprendre un détail simple qui prend alors une signification essentielle. Basés sur cette idée vous vous sentirez baisés quand mes débilités biaisées vous auront bien blasé.

Il y a un type comme ça qui traîne dans mes contacts MSN depuis environ trois ans, et on ne s'est jamais parlé. Non, c'est faux. Il y a mille types comme ça qui traînent dans mes contacts MSN, mais il n'y en a qu'un qui m'intéressait particulièrement. Il y a longtemps je croyais à l'image du couple parfait, et ce mec-là était un Roméo, et sa copine était une Juliette. Ils jouaient là-dessus. Un jour j'étais allée voir le spectacle de fin d'année de l'école de Nathalie, et les deux tourtereaux y avaient composé et interprété une chanson d'amour. Partout sur leur passage ils répandaient de magnifiques photos dignes de la propagande staliniste, visant à montrer combien ils étaient heureux tous les deux ensemble. Oui, vraiment, ce couple était parfait. Une fois, j'avais parlé à ce gars, ce Roméo, et il avait concerté sa copine, qui, jalouse, s'était faite inviter dans la conversation. J'étais alors devenue la spectatrice victime d'une affabulation, celle qui porte la chandelle qui tient le couple, celle qui renvoie son image au couple et par qui le processus d'amour interne à travers le regard externe est possible. Oui, j'ai joué le jeu un moment, comme ça, et ce n'était pas très équilibré : ils me faisaient un exposé de leur culture commune, travaillée et retravaillée, et j'écoutais en pensant que je n'y connaissais rien, parce qu'on me snobait. Mais j'y croyais, et j'ai cautionné cet amour fictif. Puis on m'a rejetée : pendant plus d'un an Roméo a dû bloquer sous la contrainte. Je m'accrochais à mon rêve : c'était ça l'amour : protéger ceux qu'on aime : j'étais dangereuse et machiavélique : qui ne pense pas ça de soi.
(...)
Ce qui devait arriver arriva. Deux ans plus tard, je recontacte le mec, ce Roméo des temps contemporains, et je lui demande ce qu'est devenu son couple parfait. Et il m'explique que c'est fini et qu'il a remplacé sa Juliette par une autre fille. Le mythe se casse, et je comprends tout, ou du moins, je comprends tout ce que j'ai envie de comprendre : celle qui m'apparaissait autrefois comme une sainte, allégorie même de la pureté, n'était pas moins qu'une pauvre fille, trop possessive, jalouse et insupportable, et qui vivait son couple à travers la représentation qu'elle arrivait à en donner aux autres ; une hypocrite en somme. Le mec s'est laissé englober dans cette bulle malsaine et restrictive que constitue le couple. Une fois l'histoire finie, il se sent soulagé. Mais il fallait le faire au moins une fois. Il racontera ça à ses petits enfants et ses petits enfants n'y entendront rien ; ils tomberont probablement eux aussi dans le même piège, et il fallait bien ça pour comprendre, parce que savoir n'est pas comprendre.
(...)
Roméo était tout de même resté un symbole, et puis, souvenons-nous-en, il m'avait fait péter sa culture dans un petit exposé de propagande du couple, alors j'avais une once d'estime pour lui ; en plus, physiquement, il n'avait pas l'air mal. C'était hier soir : j'engage la conversation, un petit "hello" de rien du tout, et puis il se trouve que lui-même est engageant, et puis on parle, d'abord de rien, puis on parle du fait de ne parler de rien, puis on se demande de quoi on pourrait parler à part rien, et on essaie, et ça ne marche pas. Et puis je pose cette question : est-ce que c'est sexy d'être snob ? Et tout s'engrange, je commence à dénigrer leur couple - et c'est dégueulasse - et il me dit qu'il est honteux alors j'amplifie la chose et il me confie que c'était horrible et je suis heureuse d'avoir la Confession d'un Roméo. J'ai vaincu le parfait, démontré par A + B que ça n'existait pas, et je suis soulagée de prouver ce que je comprenais sans y donner trop de crédit.
Puis le temps avance et on se rend compte qu'on a plein de choses en commun : c'est le premier mec sur terre qui connaît les paroles des films de Jacques Demy et je dois avouer que c'est un critère décisif dans le choix d'un Roméo. Il y a une chanson des Demoiselles de Rochefort, je l'aurais bien chantée à mon ancien petit copain pour le quitter, mais il m'aurait ri au nez. S'il avait connu les Demoiselles il aurait chanté avec moi.
Il est 3h03 quand il lance : "puisque tes vacances ont l'air d'une platitude à rendre jaloux la courbe de l'encéphalographe d'un mort, je supute que tu n'as rien de prévu demain dans l'apres midi ?" Rendez-vous pris. Il me regardait avec une expression partagée, et parfois il ne disait rien. Alors j'ai parlé, jusqu'à l'épuisement : Marcel Duchamp, Raymond Roussel, Oulipo, Howard Hughes, Gide, Sartre, tous y sont passés.

mardi 6 novembre 2007

Le journalisme participatif ou l'art de lâchez tes comm'



Avec l'émergence des nouveaux médias sur le net l'information s'écrit dorénavant à deux mains : celle du journaliste et celle du lecteur, qui le plus souvent vient tout parasiter en ayant une trop haute opinion de sa part du gros gâteau qu'est la démocratie.

Je lis beaucoup d'articles sur le net, notamment sur Ecrans.fr, Rue89, Fluctuat et tous ces sites super souvent mis à jour que je consulte d'un clic sur ma page Netvibes trop perso, et je dois dire que ça m'a toujours fait très chier ce nouveau concept qui vise à faire participer le lecteur -toujours un peu hypocritement- en lui faisant croire que son avis est trop-maxi-important voire essentiel.
OK pour faire en sorte qu'il puisse y laisser un commentaire même si le plus souvent ça se résume à un truc du genre "Bouh l'Arche de Zoé, vilain vilain" plus un lien vers son blog avec une signature du genre "Azerty, agitateur d'idées".
Pas OK pour en faire plus, comme Rue89 qui veut en gros te donner l'impression que tu es au même niveau que les journalistes.
Vu sur leur site : "Vous êtes les meilleurs témoins de votre actualité. Envoyez-nous vos informations et vos liens préférés. Contactez-nous pour proposer articles, photos et vidéos..."

Ce genre d'annonce attire n'importe quel crétin de citoyinternaute bienveillant et toujours partant pour un gros débat bien gras comme à la télé. Tu peux le tester sur ce que tu veux il te sortira ses petites phrases chippées dans "C dans l'air" et "Ce soir (ou jamais!) mixées avec quelques relents de pensées à lui et s'improvisera sociologue en alternance avec historien.
Condamné à se faire entendre par le biais de moyens plutôt précaires et étriqués que sont la webcam, les commentaires, les SMS, les votes et autres sondages, qui se trouveront symboliquement en bas de l'article rédigé par le VRAI journaliste.
L'illusion d'avoir sa place parmi ceux qui ont fait des études pour en arriver là, comme si notre récompense -faute de rémunération- serait un débat interminable le temps de toute une nuit passée à actualiser la page.

C'est finalement un peu toujours la même chose, le chaos participatif, Wikipédia (cf un peu en dessous), la vision de notre bulletin dans l'urne, le piéton responsable, cette petite vie Nutella trop jolie où chacun à pu dire ce qu'il voulait avec ce qu'il faut de "je pense que..."et tout ce ramassis de belles conneries nourrissantes bleu blanc rouge.

Perso ça me donne juste envie d'arrêter de parler et d'essayer d'avoir une opinion sur tout.
Il ne faut pas sous-estimer l'étendue de notre monde mais plutôt comprendre qu'il est aussi complexe que l'intérieur d'un I-pod et que donc on n'est surtout pas obligé de tout saisir, de tout comprendre et de tout critiquer.
Viendra un temps où le dépérissement bête et méchant devant la quotidienne de la Star Academy sera prescrit par les médecins.


A lire : De l'art de dire des conneries de Harry G. Frankfurt

lundi 5 novembre 2007

Les devoirs à la Toussaint

J'ai pas trop de devoirs ces vacances, mais juste assez pour qu'ils me dérangent un peu dans mon esprit.
J'ai jamais été un bosseur né, ma technique pour travailler étant d'attendre la date limite pour les faire, comme ça t'es obligé de t'y mettre, dans l'urgence et le stress des feuilles blanches sur ton bureau dégueulasse.

C'est assez ridicule comme truc je dois dire. Mais en même temps je suis incapable de m'y mettre correctement en me disant "il est 13 heures, j'ai toute l'aprem". Je connais ces types qui rentrent dans le truc sans y penser et puis d'un coup ils se disent "hé ça fait 4 heures que je bosse". Je suppose que ce sont des choses qui arrivent. J'aimerais bien avoir cette liberté d'esprit. Pouvoir se consacrer à un truc sans penser à combien de temps tu vas mettre. Faut être passionné.

Il faudrait que j'essaye de rester sur mes devoirs toute une après-midi sans penser à me coucher sur mon lit et attendre que ça passe avec je ne sais quel disque un peu déprimant. De toute façon l'après-midi c'est déprimant, c'est blanc et on fout jamais quelque chose de bien avant 17 heures. C'est le mois de novembre, quoi.

Vacachions


Ce qui ne va pas dans les vacances, c'est que beaucoup de gens les assimilent à des moments d'action et de divertissement. Cela ne poserait pas de problème si ces gens n'étaient pas constamment en train de culpabiliser ceux de l'autre bord, ceux qui pensent que les vacances sont un moment de détente et de repos. Et voilà comment, paradoxalement, ces moments que l'on voudrait reposants ne le sont plus du tout : on craint le retour, quand on nous demandera "alors, toi tes vacances ?". Si on cherche à se déculpabiliser, on peut essayer de faire quelque chose à tout prix : par là on arrive souvent aux pires situations. Si on ne fait rien, on passe notre temps à se rappeler qu'il faudrait agir et on finit par se considérer comme une vraie larve, sentiment des plus désagréables qui est ravivé à chaque occurrence de la question : et toi tes vacances ? Bref, les vacances sont une source continuelle d'insatisfaction. Au premier jour elles soulagent, puis elles finissent par ennuyer, on envie alors les moments passés à travailler, mais quand enfin on arrive à s'accoutumer au rythme des vacances, il faut qu'elles s'arrêtent. Et quelle que soit leur durée, l'effet est le même, car notre esprit tempère les vacances en fonction de l'idée de la longueur qu'on en a.
En fait, les vacances reflètent la tristesse du monde. Elles sont le moment où l'hypocrisie de chacun envers lui-même est le plus intense. Les vacances sont une industrie du souvenir. Aménagées pour nous donner l'impression que notre vie est trop bien encadrée, et que, posées où elles sont, elles sont nécessaires, et constituent même le seul moment de liberté, elles imposent la dictature du bénéfice. Il faut profiter à tout prix, et le profit ne prend pas en compte le fond de ce qui est fait, mais juste de sa superficialité : quoi qu'il arrive, il faut accumuler les expériences, bonnes ou mauvaises, pour marquer un contraste avec la routine quotidienne. En donnant l'illusion de la liberté, les vacances annihilent en vérité toute créativité (on tend tous à vivre les mêmes vacances), et sont les moments où notre liberté est la plus restreinte. Car avant les vacances, on est prêts à accepter n'importe quoi, soulagés d'avance à l'idée d'avoir un moment pour respirer plus tard ; et même lorsqu'elles apparaissent encore lointaines, elles finissent par tomber, ce juste au bon moment. Et quand on se pense enfin libres d'être libres, on est juste captifs d'un rythme de vie calculé, soit libres de se croire libres quand on nous l'impose.
Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi les vacances tombaient toujours au bon moment ? Je ne saurais définir depuis quand on se penche sur ce problème, mais ce qui est sûr, c'est qu'il y a bien longtemps que des spécialistes y réfléchissent, et passent leur temps de travail à définir quel serait le moment le plus propice à placer des vacances pour augmenter au maximum la productivité sans pour autant décourager le peuple ou créer des révoltes. Les vacances paraîtraient presque innocentes, plantées là, comme des ventilateurs en été ; et pourtant, elles sont le produit d'un travail fastidieux, l'objet d'un calcul de précision, prenant pour facteur des éléments sociologiques autant que biologiques ou scientifiques. Et précisons que cela s'applique aussi dans le cas des cadres, qui pourraient choisir quand prendre leurs vacances, il y a fort à croire qu'ils auraient idée de les prendre pendant une période scolaire, puisqu'il y a beaucoup de chances pour qu'ils aient des enfants qui aient, eux, leurs vacances imposées ; il ne faut pas se leurrer, c'est le calendrier scolaire qui impose les événements au fil de l'année. Pire : en plus d'être calculées en fonction de ce que le corps humain peut se permettre pour être le plus productif, les vacances sont le fruit de tout un enjeu économique. Une mafia du tourisme s'est développée depuis la généralisation des vacances, et, sous des faux-semblants d'altruisme, de désir de vouloir procurer du plaisir aux autres, on s'affaire à nous créer des rêves paradisiaques que nous consommons allègrement en y investissant tout notre salaire, ou à nous créer l'illusion d'un amusement et donc le désir de revenir, ou encore, aux plus avides d'entre nous, on propose des séjours de boulimie touristique visant à visiter un nombre considérable de lieux dans un laps de temps réduit, ce qui crée une source assurée de consommation. Les gens qui partent en vacances sont donc triplement des victimes : non seulement ils se conforment à la période de liberté qu'on leur impose, mais en plus ils ont l'attitude qu'on leur suggère, puisqu'ils partent, enrichissant le système économique qui s'est basé autour de cette valeur malsaine de "vacances", et finalement, ils s'aveuglent en s'assurant que cela leur convient à merveille.
Et les quatre idiots qui pensent que les vacances sont faites pour la détente ont tout aussi tort : car pourquoi attendre les vacances pour se permettre le repos ? Pourquoi reporter à un moment précis qui nous est imposé ? Une vie saine serait une vie que l'on supporterait tout en n'envisageant pas de vacances. Nous sommes tous égaux devant l'institution des vacances, et nous devrions nous soutenir les uns aux autres ; au lieu de quoi, nous nous narguons : vous en me demandant ce que j'ai fait, moi en vous méprisant pour me l'avoir demandé.

dimanche 4 novembre 2007


Quelqu'un disait :
"Il vaut mieux avoir tort avec Sartre qu'avoir raison avec Aron"
D'aucuns prétendront devant d'autres sachant pertinemment que cela est faux que ce quelqu'un était un proche de Sartre. Et d'autres enfin ne se souviendront plus vraiment d'aucune personne ayant pu prononcer cette phrase.
Finalement, cela n'est pas très important, puisque ce qui nous intéresse, c'est la première partie de la phrase, celle qui dit : il vaut mieux avoir tort avec Sartre. J'énonce cela comme une base, à laquelle il faut adhérer, quoi que l'on pense de ce qu'a accompli Sartre. Jean-Paul est sympa, c'est un chouette mec, c'est notre ami.

Un jour, je me baladais sur l'internet, et puis je suis tombée scotchée devant une vidéo : c'était une interview de Simone de Beauvoir. A la vérité, quand je l'ai vue, je n'ai pas tout de suite compris que je venais d'avoir une prise de conscience. Mais quelques jours plus tard, j'avais une idée récurrente qui me trottait dans la tête, et je me suis demandé : merde, qu'est-ce qui peut m'avoir marquée comme ça, quelle est cette idée qui me hante toute la journée et qui est présente dans tout ce que je dis et fais ? et c'était cette vidéo.
Ce qu'il y a de formidable chez Beauvoir, c'est qu'elle a de la prestance. Elle sait ce qu'elle dit. On pourra les critiquer autant qu'on veut pour ce qui est d'une philosophie universelle, Sartre et Beauvoir avaient une philosophie personnelle bien définie ; ils avaient des principes. Chacune des phrases du Castor est sublime de cohérence. L'homme lui expose une contradiction dans ses paroles. Sans fléchir, elle réfléchit, et il lui suffit d'une seconde pour définir que ses idées ont évolué, mais qu'elle est toujours d'accord avec ce qu'elle avait dit dans un certain sens. Les questions, elle les balaie, une à une, à une vitesse déconcertante. On a à peine saisi la question qu'on en a la réponse. On sent bien que derrière tout ça il y a un fil de pensées, et des idées mûrement réfléchies, remises en questions et réétudiées par mille fois.
Ma révélation, je me demande encore en quoi elle consiste. Peut-être que Beauvoir m'a confirmé quelque chose. L'idée que vivre est un art, et que pour ce faire il faut suivre une voie particulière et s'y tenir, qu'il faut avoir des principes, savoir dans quel sens on va.

Quoi qu'il en soit, et même si l'article qui accompagne ces liens est vraiment nul, et même si on n'est pas d'accord avec, il serait idiot de ne pas regarder cette interview sans plus tarder :
Partie I
Partie II
Partie III
Partie IV

Etre sur Terre et ce que j'en retiens



Je voudrais d'abord que tu me dises quelque chose : quand tu seras mort et enterré et flottant peu importe où, là où nous allons tous, quel sera ton meilleur souvenir de Terre?"
"Tu veux dire quoi? Je ne comprends pas"
"Quel moment précis définit pour toi la vie sur cette planète? T'emportes quoi comme sandwich?"Là, silence. Tobias ne voit pas où elle veut en venir, et franchement, moi non plus.Elle continue :"Les expériences yuppies bidon, cellles pour lesquelles tu as été obligé de payer, le rafting sur les rapides ou la balade en éléphant en Thaïlande, ça ne compte pas. Je veux un instant de ta vie qui prouve que tu es vraiment vivant."
Douglas Coupland - Generation X

J'ai réfléchi le temps d'une minute à ce qui pourraît être chez moi le moment qui définit le plus la vie en général, celui où j'ai senti tous mes sens être au plus fort de leur intensité comme s'ils avaient décidé eux aussi de profiter de la vie.
Les premiers souvenirs qui vous viennent à l'esprit sont souvent les bons, il ne faut pas aller chercher plus loin.

C'était il y a 2 ans pendant les grandes vacances, l'année où je ne suis pas partie au Liban mais 2 semaines à Eastbourne, pas loin de Brighton et donc de Londres, une ville surnommée "la salle d'attente doré de Dieu" car surtout peuplée de senior aisés venant prendre congé avant le grand saut.
On était sur un campus universitaire répartis en petits groupes dans des "flat" auxquels on accédait à l'aide de badge et chacun avait sa chambre plus une salle commune pour chaque flat. Il y avait des italiens, des espagnols et nous les français.
Je ne sais plus comment elle s'appelait mais je lui avais prêté mes ballerines noires qu'elle avait d'ailleurs trop élargies avec ses grands pieds. En cherchant bien je crois qu'elle s'appelait Camille et elle venait d'acheter dans une parapharmacie un petit fer à lisser qui lui avait coûté 9£. Je comptais bien en profiter moi qui le lendemain de mon arrivée avait acheté chez Mark&Spencers un sèche-cheveux de voyage marchant moyennement, en constatant que les prises en Angleterre différaient des françaises et que je n'avais pas d'adaptateur.

C'était l'heure de la pause, du quartier libre, après les cours et après le déjeuner, on était dans l'obscurité de sa chambre, j'étais assise sur son lit en face de la fenêtre et je voyais Roberto jouer dehors, un italien dont j'étais plus ou moins tomber amoureuse avant de "rencontrer" l'animateur libanais.
Elle a attendu que le fer chauffe et elle a commencé à me lisser les mèches une à une et à me toucher la tête de sorte à ce que ça me fasse du bien, vous savez comment. Elle le faisait dans le silence et il y avait du soleil. J'ai ressenti une vive émotion, proche d'un sentiment intense d'épanouissement -bien sûr toujours mêlée à de la tristesse- car je savais que quand elle aurait fini je retournerai dans ma chambre me préparer pour ce soir, pour la boîte de nuit et qu'ensuite on marcherai longtemps jusqu'à la plage pour s'y rendre et qu'on parlerai de choses dont on avait pas encore parlé durant la première semaine et qu'après la boîte de nuit on rentrerai et je dormirai super bien dans mon lit et le lendemain serai à peu près similaire à quelques instants près.
Bref j'avais l'impression que le bonheur était nouveau et infini, je me sentais une insulaire, j'étais d'ailleurs sur une île. Je vivais entourée de petites briques très rouges, de maisons pastelles, de trottoirs parfaits, d'amitiés ensoleillées, de battle de hip hop, et de pommes de terres chaque jour cuisinées sous une forme nouvelle, c'était tristement kitsch. Je m'achetais des Cds et des fringues, ma mère me rechargeait ma carte de crédit à chaque fois que je le lui demandais. Un bonheur complet, non repérable sur un calendrier.

Bien sûr le dernier jour je n'ai pas pû m'empêcher de pleurer comme une connasse. je m'étais jamais vu dans un tel état, un mélange de nuit trop courte, de chansons pop tristes (belle and sebastian et supergrass toute la nuit dans l'herbe et puis dans mon lit) et je savais pertinemment qu'une fois de retour chez moi plus rien ne devra être comme avant car il n'y aurait pas cet environnement si propice aux rencontres et aux bavardages. Je parlerai quelques jours sur MSN avec les filles qui étaient avec moi là-bas et on se perdra de vue à jamais après quelques mois. C'était encore une fois quelque chose qui appartenait au domaine du never more, un avant goût de ce que la mort me réservait, mourir doit faire mal au coeur.

Et moi qui chialait dans le bus, Irène l'animatrice qui me prend dans ses bras, la première fois de ma vie que je me laisse aller à ce que je considérais comme des enfantillages. Je me suis inconfortablement endormie, les larmes sur les joues, et quand le car s'est arrêté devant une aire d'autoroute je me suis précipitée au petit supermarché pour acheter des biscuits, des madeleines et du Yop et me goinfrer jusqu'à ce que mort s'ensuive.


jeudi 1 novembre 2007

Ingals & co.



Il a suffi que je dise : "quand même, la petite maison dans la prairie, c'est chouette. en plus ils sont même pas croyants, et même s'ils ont des valeurs bien chrétiennes, au moins ils font pas chier" pour que dans l'épisode que je regardais il y ait sept passages avec des prières.

"- bonjour, je prie pour que le seigneur vous fasse grâce de la torture que vous vous infligez en contemplant mon horrible visage de faible femelle
- oh Seigneur, Madame Ingalls, votre bonté est sans limites, je prie Dieu pour qu'il ne vous punisse pas d'avoir été si bonne avec moi
- mais Madame Churchman, ce n'est vraiment rien, je n'ai presque pas eu à agir, car c'est Laura qui a été la plus brillante dans cette histoire
- merci maman, mais tu sais, c'est normal, c'est toi qui m'as appris à me comporter comme ça
- oh, Madame Ingals, je remercie Dieu de vous avoir permis d'avoir mis au monde un tel enfant
- Laura, ma chérie, tu es tellement vertueuse
- tu sais maman c'est un hasard que je me sois trouvée à cet endroit-là à ce moment précis. c'était peut-être mon destin"
etc. etc.

Et pourtant. L'épisode du jour s'appelait "Le mensonge". C'était l'histoire d'un petit garçon (très mignon) qui était malheureux parce que ses parents allaient divorcer. Puis il tombait (aïë aïe aïe). Et à son réveil chez le (gentil et vertueux) docteur du village (qui travaille d'ailleurs probablement bénévolement, dans le pays qui est le symbole même du libéralisme sauvage, dont un des aspects est l'image de l'homme qui vient de se faire écraser à qui on demande sa carte de crédit pour l'emmener à l'hôpital), il voit ses deux parents réunis (dans la peine, mais réunis quand même). Alors il se dit : tiens je vais faire semblant d'être aveugle, et peut-être qu'ils se remettront ensemble. Quel martyr ce petit. Ses parents l'ont torturé, mais il garde espoir en eux, et essaie même de ressouder leur couple et leur faire retrouver le bonheur ! Tout ça du haut de ses sept ans. Mais Dieu se fiche bien de l'âge pour donner du coeur à ses sujets.
Le fait est que la morale de cet épisode était que le mensonge n'était pas forcément un pêché. Ce qui m'amène à penser que la petite maison dans la prairie est en un programme de propagande communiste, derrière ses aspects puritains d'une personnification majestueuse de l'amérique qui veut s'en sortir par la vertu et la bonté. Comme on le sait, le mensonge était un sujet qui touchait de près aux bolchéviks, et je pense que cet épisode était en fait un caprice rouge, ultime erreur pour un oeil avisé comme le mien : ce n'est pas en noyant dans 187 épisodes ce passage immoral sur le mensonge que l'on en atténue la portée. Ici, la figure du docteur, qui travaille bénévolement, dans un lieu qu'il faut d'ailleurs voir très modestement décoré, mais cependant convivial, représente en fait le communisme victorieux.
Bref, on pourrait aussi dire que Charles Ingals ne change jamais de chemise et que l'utilisation d'une roulotte pour voyager n'est pas polluante (sans oublier que personne ne fume ni ne boit), et que, en conséquence, la petite maison dans la prairie est un message de propagande écologiste. D'ailleurs, le générique est vert.

Alors finalement, comme en toute chose, on peut tout voir dans la petite maison dans la prairie.

Ca s’appellera "ode à Murielle" ou "manière particulière de lui rendre hommage en imitant son inimitable style" (je ne sais pas encore)

La première fois que j’ai ouvert les yeux aujourd’hui j’étais dans la chambre d’Alice et ma gorge me grattait tellement que j’étais persuadée que j’allais mourir. J’ai pensé me lever pour boire de l’eau dans la salle de bain mais j’entendais la porte des toilettes qui s’activait et je n’avais pas envie de me retrouver nez à nez avec son papa ou sa maman alors que j’étais en tee-shirt Nirvana-culotte. Du coup j’ai choisi de mourir en silence et j’ai enfin compris le sens du stoïcisme. Après quelques minutes de souffrance j’y pensais beaucoup moins et comme je n’étais objectivement pas morte j’ai dû admettre que j’avais moins mal. J’ai décidé de me rendormir mais je n’y suis pas arrivé parce que je faisais des calculs de positions de corps compliqués comme lorsque je m’étais réveillée à 2h51 la nuit d’un mardi en regardant le réveil et en me demandant ce que signifiaient ces trois chiffres, si je devais me lever, etc. Ensuite j’ai vraiment dû m’endormir puisque je ne me souviens de rien. Enfin, et j’en suis sûre, j’ai ouvert les yeux et j’ai su qu’il faisait jour, pire, que le jour était bien entamé. J’aurais pu effectuer un tour sur moi-même à 90° (consulter Alice pour les incohérences arithmétiques) et rencontrer l’approbation de son réveil vert et orange mais je n’avais pas envie de casser la mollesse d’un corps qui aurait pu mieux dormir et qui le faisait comprendre. J’ai rencontré le regard d’Alice comme à chaque fois que je me réveille chez elle le matin et avant de prononcer le premier mot on a attendu un petit peu, le temps de faire des frayeurs à l’autre en feignant un nouvel endormissement. J’ai dit un mot insignifiant de ma voix rauque et malade et je crois même qu’elle m’a demandé de répéter. Après quelques minutes, j’ai enfilé mon jean en restant allongée, un peu comme dans les pubs je crois, mais je ne saurais pas vraiment dire pourquoi. J’ai écarté le duvet bleu et blanc dans lequel j’étais enroulée et je me suis mise debout, j’ai fait prudemment quelques pas puis j’ai ouvert la porte d’entrée de sa chambre et je suis sortie. Dans la salle de bains j’ai compris qu’aujourd’hui était un jour B, un jour où mes cheveux sont plats et mon visage complètement disgracieux. Je reprends un peu plus tard dans la matinée, après avoir brunché grâce à Alice et à sa gentille maman. On a regardé La Discrète de Christian Vincent avec un Fabrice Luchini qui est décidemment trop excellent. Je crois qu’on était contentes toutes les deux parce qu’en peu de temps on avait vu deux films agréables : La Discrète et Ghost World. Alice a pris sa douche puis j’ai pris la mienne à l’eau bouillante parce que je n’ai jamais compris comment marchait sa douche et qu’elle a décidé de ne jamais me l’expliquer (sauf à l’arrêt de bus, finalement). Après avoir décidé de sortir, on a fait semblant de se demander où on pourrait aller : c’était notre manière à nous de mettre un peu de piment dans la journée alors qu’au fond on savait pertinemment qu’on allait finir à Saint Michel et au Luxembourg. Devant l’arrêt de bus, donc, il y avait une fille horrible qui téléphonait à son amie avec qui elle devait prendre le thé à 16 heures : elle avait un corps maigre subi, des collants bleus, des bottes marron, une doudoune noire longue, les cheveux rassemblés en queue de cheval et collés à tel point sur son crâne que sa vie devait sûrement en dépendre et surtout un sac à dos quechua noir et vert qui cassait définitivement toute tentative (vaine à la base de toute façon) d’être élégante. Une vieille dame a agressé Alice en lui disant que c’était mieux il y a quarante ans ; sur le coup je n’ai pas bien compris et j’ai fait comme si je m’en fichais alors que ça m’intéressait beaucoup. Arrivées au Luxembourg j’ai aperçu une fille blonde et un peu ronde que j’avais rencontrée dans la seule colonie que j’ai faite et j’ai trouvé la coïncidence marrante parce qu’Emilie m’avait filé il y a quelques semaines son skyblog dans lequel il y avait un article sur nous alors qu’on ne connaissait même pas son prénom. Il était environ 16 heures, on s’est trouvées assises dans le café du Luxembourg, dans la partie fumeurs alors que nous n’aimons pas particulièrement côtoyer la fumée des autres. On a peut-être parlé de Murielle et je ne dis pas ça parce que j’écris dans les occupés mais parce qu’on a peut-être réellement parlé d’elle ou qu’en tout cas ce n’est pas improbable. Alice a un peu parlé d’Adrian, son ami alsacien maladroit mais qui a quand même l’air gentil. Je me souviens d’avoir maudit Antoine parce qu’il habite rue Soufflot et qu’il n’en profite pas (même si ensuite on a convenu que c’est sans doute parce qu’on y habitait pas qu’on arrivait à en profiter). On a commandé deux cafés et deux verres d’eau mais le garçon n’a servi les verres d’eau qu’après les cafés parce qu’il était « trop chargé » et que comme nous sommes jeunes et naïves, on se fait toujours avoir au profit des gens plus âgés. A ma droite et à la gauche d’Alice était assis un couple de jeunes silencieux. Le garçon a sorti une cigarette et l’a fumée, suivi de près par sa copine qui m’envoyait toute sa fumée dans le visage alors que justement je n’aime pas ça et que même si elle ne peut pas le savoir, elle pourrait faire attention. Du coup j’ai orienté la carte des glaces de manière à ce qu’elle dévie sur Alice la fumée, ce qui a provoqué un sourire chez elle. J’ai rapidement sorti mon porte-monnaie parce que j’étais contente d’avoir exactement 2€50 et Alice m’a demandé si j’avais 6 centimes : je lui en ai donné 10 et quand elle a voulu m’en rendre 4 j’ai conclu qu’elle pouvait les garder. On a continué à parler sur un ton apaisé et détendu, comme le font deux amis qui passent un énième moment ensemble et qui l’apprécient. En sortant du café on a marché dans la même direction pour prendre un bus différent, Alice m’a soudainement dit « a+ », j’ai répondu « ciao » et je me suis immobilisée devant l’arrêt, j’avais un peu froid. J’ai oublié qu’Alice pouvait me voir et quand j’ai réalisé qu’elle m’observait à moitié j’ai eu l’impression d’avoir été violée dans mon intimité.

Junkipédia

Un jour que j'aurai un dossier blindé là-dessus je m'amuserai à faire un dossier critique sur wikipédia. l'avocat du diable. ou peut-être pas tant que ça. parce que finalement, c'est quoi wikipédia ? de la culture, certes, mais pas certifiée ; vague ; faussée. l'accès immédiat à tellement de "culture" qu'on ne pense même plus à aller ailleurs. bientôt toutes ces fausses vérités que l'on apprend sur ce site, on en fera les vérités de notre quotidien, et on oubliera les sources, et ce qui était vrai. et si ma phrase est vraiment lourde, c'est parce que finalement, je la fais faussement vertigineuse, le genre effet Matrix : est-on dans la réalité ou dans la fiction ?
mais c'est cette question qu'on peut se poser.
Wikipédia. C'est le Wal Mart de l'internet, il aura brisé toutes les petites épiceries familiales. Wikipédia, avec l'industrie des blogs, a exterminé ce qu'on appelait antan "les sites perso". (Note : ce qu'il y a de génial avec internet, c'est qu'on en a plus ou moins connu le début, et qu'on peut parler comme des vieux sans que personne ne nous réprimande.) Elle était belle cette époque où on apprenait tous le html pour faire un horrible site. Aujourd'hui, si tu veux coder avec ton bloc-notes, mais t'es un arriéré, quoi, parce que le moindre pauvre naze a acheté sa version du dernier logiciel de création de sites où tu choisis un modèle, tu remplis des cases, et tu as un résultat parfait.
Wikipédia, l'encyclopédie libre ? non. Wikipédia, une encyclopédie, qui, par sa diffusion instantanée de réchauffés de culture moyenne, a détruit toute tentative réelle de création/recherche/débat.
la culture aux yeux de tous, c'est la diminution la plus radicale de toute subjectivité, et c'est un des bons points de wikipédia. une question reste à se poser : tout le monde voit-il de la même manière wikipédia ? ne nous présente-t-on pas ce site comme une "encyclopédie" ? n'y a-t-il pas des gens qui se fondent sur ce que dit cette "encyclopédie" ? je veux dire par là que si l'on n'a pas en tête que cette information qui nous est donnée est contestable, on pourrait la prendre au pied de la lettre, et ne pas essayer de la corriger, et donc, finalement, ce que je disais tout à l'heure sur la diminution de la subjectivité par un regard mondialisé ne s'applique pas.
Une question en revanche me paraît nécessaire : sur le concept d'une encyclopédie, qui de Jimmy Wales ou Denis Diderot l'emporte ? je me suis référée à ce que je pense qui pourra me donner la définition la plus exacte de "encyclopédie" : mon dictionnaire. Il me dit que c'est un "ouvrage où l'on expose méthodiquement ou alphabétiquement l'ensemble des connaissances universelles (encyclopédie générale) ou spécifiques d'un domaine du savoir (encyclopédie spécialisée)". et là je vois le nom de Francis Bacon dans la définition du dictionnaire, qui aurait, au XVIIème siècle, fait apparaître l'encyclopédie au sens moderne du terme. je me dis : putain, Francis Bacon c'est pas un mec qui fait des drôles de tableaux au XXème siècle ? et une recherche wikipédia de s'imposer, et je suis bien contente qu'il soit là, wiki, parce qu'il me dit que Francis Bacon existe en deux, et que le peintre est le descendant du philosophe du XVIIème. Pour en revenir à la question, en toute subjectivité et non connaissance de cause (il faut dire que je n'ai lu qu'environ un article de l'enyclopédie de Diderot), je pense que les deux concepts sont absolument différents, et que la question se pose infiniment. Faut-il mieux se fier à un petit groupe d'hommes très connaisseurs, ou à tout le monde, càd à une quantité de gens qui ne connaissent que la surface des choses ? Les principes de démocratie pour lesquels Diderot se battait voudraient que l'on optât pour la seconde solution. paradoxe.
Et finalement, le concept d'encyclopédie, à savoir, regrouper "l'ensemble des connaissances universelles" (et même spécifiques), est infini. Il faudrait donc que l'être divin s'adonne à cette tâche si nous voulions une encyclopédie respectable.
j'allais émettre une conclusion partielle qui aurait avisé le lecteur de wikipédia : ce que tu lis n'est pas forcément vrai. puis je me suis demandé : mais quel est l'intérêt d'une encyclopédie sur laquelle on ne peut pas compter ? oui, je crois que je suis arrivée au terme de ma réflexion, de mon cheminement en écriture automatique. wikipédia est bien la junk food de l'internet. et comme la junk food, c'est un principe qui est bien pratique. d'autres encyclopédies doivent demeurer. il ne faut pas se contenter de ces informations.
une note finale : si j'ai commencé à parler de wikipédia (je ne pensais pas que le junk pourrait me donner autant de junk lignes à vomir) c'est parce que j'ai regardé la vidéo de propagande sur "la diffusion du savoir dans le monde" par wikipédia. et si j'ai tilté, si je me suis mise à réfléchir ce soir au sujet wikipédia, c'est parce que les plans de la vidéo m'ont paru bizarres : à deux reprises, un zoom est fait sur les yeux bleus de Jimmy Wales. pourquoi ? un autre plan montre les mains du Créateur, mains torturées par le travail, de la même manière que les yeux purs étaient emplis de sang. est-ce pour montrer la souffrance et la faiblesse de celui qui essaie à tout prix de diffuser la culture à travers le monde ? le nouveau messie, l'arien aux yeux bleus, annonce : imaginez un monde où chaque personne aura accès gratuitement à tous les savoirs de l'humanité. ah, les bons sentiments. ah, les valeurs américaines. de bien belles choses je dois dire. il y a quelques siècles, j'aurais dit de ces valeurs qu'elles étaient utopiques. au fond, rien n'a changé, mais le savoir moyen s'est uniformisé et il a changé de registre. finalement, on a juste plus l'impression d'être très cultivés, et c'est la pire des choses qui pouvait nous arriver

PS : je pioche mes préjugés sur wikipédia

Les Occupés sont