dimanche 5 avril 2009

Les nuits de Cabiria - Fellini


L'actrice doit faire 1m50, elle joue une prostituée au visage un peu ingras mais dont le film s'arrange à nous la rendre progressivement et infiniment touchante. La salle était pleine, l'histoire est très triste. Une prostituée qui veut se faire aimer et qui n'est jamais aimée pour ce qu'elle est mais pour ce à quoi elle sert, se heurtant sans cesse à des sortes de miroirs vides. Sa vision de l'amour n'est jamais entâchée par ce que peut lui enseigner son métier : elle aspire encore à un amour moite et pur, à l'image de ses deux grands yeux italiens.
Elle rencontre un homme dans de drôles de circonstances, avec lui ce sera un peu l'histoire du corbeau et du renard : elle est sur le point d'épouser un homme qu'elle ne connaît à peine puis comprend que cet engagement ne servait qu'à la voler de toute sa dot, une seconde fois. Elle paie la leçon très chère, quelque chose comme 35.000 livres et elle n'a même plus de maison, cette maison qui était comme un point de repère, quelque chose dans le monde qui lui appartenait et à qui elle avait finie par appartenir, un lien symbolique d'amitié et de fierté la relie à sa maison. Le moment de l'injustice s'annonce par degré, c'est effrayant à ressentir. Je commence à identifier les effets que peuvent avoir sur moi l'injustice au cinéma. Ca me rappelle The Chaser qui m'avait totalement emballée en même temps que dégoûtée, j'avais lucidement sentie une sueur chaude de dégoût me glisser dans le dos, et dans la salle on pouvait entendre des "ppfff".
Le réalisateur joue avec la passivité du public, le pousse à bout, il n'arrive pas à agir, il pleure sur un sort dans lequel le réalisateur s'est appliqué à l'impliquer depuis plus d'une heure, une fois que le couperet tombe il se sent autant responsable qu'impuissant. On lui a fait croire qu'en s'asseyant il comptait assister à un spectacle mais il se rend compte finalement que les rôles s'entremêlent : l'héro assiste à son sort et par nos sentiments nous devenons profondément impliqués, nous justifions l'histoire, plus rien ne sera plus comme avant au sens où nous portons la morale de l'histoire en nous à la façon d'une expérience personnelle. Nous ne sommes plus dupes.
La fin du film fait échos à une anecdote sur Fellini que nous a raconté notre prof de philo et qui illustrait l'idée d'un "bonheur dans les interstices", d'un bonheur fugitif vécu en douce.

mardi 24 février 2009

Lol - Lisa Azuelos






















Pas trop mal mais tout de même un peu indigeste : trop de références dans tous les sens, trop de tics de langage, de clins d'oeil à la minute, car ça doit aller vite : il y a une génération à dépeindre. Surtout au début, c'est un peu maladroit et excessivement amplifié pour plus de théâtralité. C'est comme ça dans le cinéma, il faut intensifier pour que les choses apparaissent. La musique va encore, il y a Blur, Keane qui passe assez bien et Supergrass. D'ailleurs c'est rigolo parce que "Boys and girls" de Blur est aussi utilisée de la même façon -intégré dans le film et dans un contexte de fête- dans Espion(s), film se déroulant comme Lol à cheval entre Paris et Londres. Lol n'est pas déplaisant si on arrive à accepter tout ce qu'il y a d'insupportable dans ce genre de nouveaux films français : les fringues dont on identifie tous les lieux de provenance, les appartements d'un gigantisme et d'un design non justifié par le métier des parents, les mères bien foutues, bonnes copines et lectrices de Elle. Une sorte de mélange entre Et toi t'es sur qui ? et Comme t'y es belle ! de, je viens de l'apprendre, la même réalisatrice et qui annonçait l'avènement de ce genre de films avec aussi Tout pour plaire ou Prête moi ta main, autant de mauvais films qui s'assumaient en tant que mauvais films de par leur choix de titres largement oubliables. Affiche blanche et dépouillée, film sponsorisée par Cherie.fm et Auféminin.com, et toujours une scène de dîner qui est l'occasion d'un débat entre les deux sexes, depuis quelques années on ne voit plus que ça.

J'imagine qu'on peut parler d'un film générationnel ou plus exactement une sorte de compte rendu tardif de tous les effets de mode qui nous passent dessus depuis quelques années : Msn, les sushis, American Apparel, les portables, les jeunes qui montent des groupes, le festival Emergenza et ce que j'appelle la "culture flyer", les pulls en cashemire Zadig et Voltaire, Myspace. Le temps qu'on rassemble tout ça et qu'on le digère, qu'on le nuance, qu'on en perce les subtilités, le film ne pouvait sortir qu'en retard. En retard parce que cela fait un certain temps que les gens savent prendre du recul sur ce qu'ils font de ces nouveaux engins, de ces nouveaux codes : les parodies, la conscience de nos utilisations abusives, il n'y avait plus grand chose à dire, tout semblait épuisé, dénoncé, critiqué et Msn comme Myspace ont depuis longtemps repris leur fonction utilitaire.
Lol est un peu là pour "officialiser" un mode de vie que chacun ne prend pas forcément dans sa totalité et de manière aussi publicitaire et flippante mais auquel nous nous reconnaissons forcément sur certains points. J'imagine que Cyprien sera là pour en quelque sorte officialiser la culture geek, après ça tout le monde saura ou devra savoir ce qu'est un geek. Tout le contraire de film comme Camping ou les Ch'tis qui eux ont créé des effets de mode et n'en rendaient pas compte.

lundi 16 février 2009

Joy Division - Grant Gee



Mieux que de voir un groupe en concert, je crois que le plus intéréssant c'est de le voir au cinéma. Control m'avait totalement convaincue de l'importance d'un groupe comme Joy Division. Je n'ai pourtant jamais trop aimé Joy Division et j'en souffrais : trop sombre, trop masculin pas assez d'espoir juvénile comme on peut en trouver chez New Order. Closer était d'une tristesse telle qu'elle ne me parlait pas du tout. Par contre, jouée en live, même par un mannequin qui fait maintenant des pubs pour Burberry, il me semblait que la musique retrouvait son contexte d'origine, le seul contexte digne d'elle. Le cinéma qui filme un concert : la caméra guider ton regard : gros plan sur le visage du chanteur, gros plan sur les doigts du guitariste, bien calé dans ton fauteuil, elle t'offre le meilleur d'une prestation, ne conserve que le sensationnel et en décolle l'inutile.. Le rock a inventé ce qu'on appelle l'attitude, ce qu'aujourd'hui reprend la pub. Pub Ray-Ban.
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L'histoire du groupe est en soi peu intéréssante. La chose est facile à constater : si Ian Curtis ne se serait pas suicidé il n'y aurait eu ni de Control ni de Joy Division le documentaire, et encore moins de New Order. Le début du documentaire se passe plutôt bien malgré cette sale manie d'essayer de lire à la lumière de son suicide tout les faits et gestes de Ian Curtis, comme si son suicide précédait son oeuvre, pour paraphraser Cioran.
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Si le New York Times parle du "documentaire le plus élégant", ou quelque chose de la sorte c'est parce que Joy Division est le groupe le plus élégant du monde, du Hedi Slimane, bien avant l'heure, bien intentionné et très bon marché. Ian Curtis et ses chemises bien fermées, bien rentrées dans son pantalon, son corps qu'on imagine blanc et dur et sec. Quelque chose se fait sans qu'ils s'en aperçoivent, une musique et un style s'imposent en toute innocence. Ils le disent eux-mêmes "on ne savait pas du tout ce qu'on faisait, peut-être que Ian le savait, on ne le saura jamais". Les choses les plus marquantes se font toujours de cette manière-là, de manière innocente.

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La fin du documentaire consiste en plusieurs vues du Manchester actuel, presque un film promotionnel. Une ville qui semble avoir perdu encore plus de ses charmes quand elle n'est pas filmée par une caméra des années 70 : l'image doucement grésillante qui donne un charme à n'importe quelle ville de briques et d'ouvriers.
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La pochette de Closer s'est choisie un peu au hasard : Peter Saville ouvre un beau livre d'art, le groupe choisit une image, cela rend la pochette encore plus médiocre qu'elle ne l'était.
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Avec Joy Division on entre dans l'ère des groupes où l'image précède la musique. D'abord malgré eux puis peu à peu cet ordre des choses devient comme un parti pris. Pour certains, être dans un groupe suffirait, peu importe s'il produit de la musique ou non.

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Le type a raison, Love will tear us apart est une des plus belles chansons du 20ème siècle.
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Des choses intéréssantes sont dites sur le nom du groupe. Un mec raconte que Joy division résume tout du groupe, révèle son identité, sa musique, son état d'esprit, à la manière de "Roxy Music". L'importance du choix d'un nom de groupe.

dimanche 18 janvier 2009

Romans made in New York - Arte


Jeudi. Après un film de Woody Allen, documentaire très excitant sur le roman new-yorkais.

Les interviews sont inégales : Jay McInerney ne sert à rien sinon à parler de lui au passé : oui moi et Bret on a fait les 400 coups. A côté de ça sa littérature est indigente. Il faut choisir.
Jonathan Safran Foer a le discours le plus lucide, ses réponses sont absolument séduisantes. Je me souviens avoir entamé sans jamais finir Tout est illuminé, pourtant c'était pas mal, je comprends pas pourquoi j'ai arrêté, si quelqu'un s'en souvient. Avec Julie on réutilisait une expression du livre "disséminer ses numéraires", ce qui voulait dire "dépenser son argent", le livre est très spécial, tout est basé sur un langage complètement réinventé, enfin l'histoire est plutôt compliqué et fait l'effet d'une mise en abîme puisqu'écrit par le traducteur de l'écrivain. Il y a un film avec Elijah Wood. Safran Foer ou le new-yorkais qui trouve que Jay McInerney et Bret Easton Ellis "sont des écrivains faciles" et dont on ne se souviendra pas dans 20, 30 ans. Comment peut-on ne pas aimer un tel mec ? Je crois que c'est le premier homme que je rencontre et qui n'aime pas BEE. Ce mec c'est moi en mec, c'est ma vision de la littérature et de l'écriture. Sauf que sa nana arrive un peu plus tard dans le documentaire, elle s'appelle Nicole Krauss, son Histoire de l'amour repose en paix sur ma table de nuit, pas loin du Tout est illuminé. 2,30€ chez Boulinier, en nrf, impeccable. En feuilletant ça m'a paru fade mais trop de bon retour pour ne pas être tentée, son discours n'est pas convaincant, oscille entre lucidité et banalité. Je lui accorde le bénéfice du doute.
Vous trouverez aussi Rick Moody et Jonathan Franzen, rappelez moi qu'il faut que je pense à les lire un jour. Le premier est marrant, quand la journaliste lui dit "il y a beaucoup d'écrivains habitant Brooklyn", il répond "si je jette d'ici une pierre par la fenêtre elle touchera un écrivain".
Petit passage sur le 11 septembre, inévitable.

En streaming pendant encore quelques jours sur le site de Arte : http://plus7.arte.tv/fr/detailPage/1697660,CmC=2385764,scheduleId=2358844.html

Sinon je l'ai enregistré

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