Il y a cet homme qui a pour discipline de n'écrire que par pur dilettantisme là où l'autre se rend compte qu'il gagne suffisamment avec ses livres pour ne plus travailler. (Ennemis Publics) D'un côté, un homme qui refuse de s'abaisser à parler d'argent et de sexe dans ses livres et qui préfère ne voir en l'homme qu'une usine à sensations. De l'autre, sexe et argent, thèmes essentiels dans l'oeuvre houellebecquienne, l'idée de libéralisme sexuel constituant le fil rouge de toute son oeuvre.
Houellebecq doit à Lovecraft l'insertion de descriptions scientifiques au sein du roman pour expliquer sentiments et comportements, ce qui a pour effet de réduire l'homme à ce qu'il a de plus animal en lui ou pire encore, à un ensemble de particules élémentaires. Il y a dans ce bref essai l'extrait d'une lettre envoyée à la seule compagne que Lovecraft a eu, elle peut faire penser au commentaire qu'aurait pu faire une voix-off par-dessus les images d'un accouplement humain. Houellebecq aime bien user de cette écriture documentaire pour parler de l'homme, il sait alors qu'il fait mal et que devant la véracité de ses propos rien ne pourra lui être objecté. Dans cette lettre on retrouve aussi le thème cher à Michel de la lente dégradation des corps, Lovecraft de toute façon a choisit de voir le corps comme un simple lieu traversé de sensations provoquées par des situations qu'il prend plaisir à décrire pendant que Houellebecq voit en sa dégradation l'origine de tout les malheurs humains,
"il ne reste plus que la maladie, la vieillesse et l'attente de la mort". Ce sera fascination morbide contre omission volontaire. Dans le roman houellebecquien l'état du corps influe directement sur la nature des sentiments. La jeunesse est le seul moment du bonheur, la vieillesse est le moment d'une souffrance sans nom et sans répit. Ce qui donne lieu à la contemplation fascinée de la décrépitude des corps qui va de pair avec un dégoût amer à l'égard d'une société aux codes dictées par le jeunisme, ce qui prive définitivement ses personnages vieillissants de tout accès à l'amour et au bonheur. Le roman houellebecquien sera l'occasion d'une parenthèse d'espérance, l'illusion d'un secours divin pour ses personnages, jusqu'au retour à un désespoir encore plus lourd qu'au début.
"Jeunesse, beauté, force; les critères de l'amour physique sont exactement les mêmes que ceux du nazisme."
On comprend que Lovecraft choisit le fantastique pour mieux refuser le réalisme, l'estimant sans intérêt, primaire et méprisable. Le fantastique comme un refus, ou comme un refuge.