mardi 30 septembre 2008

"ché pas c'est parce que chui intéréssant"

Houellebecq revient en France pour la promo de son livre et accorde une interview à Marcolivier Fogiel, lui qui chez Ardisson avait fait comprendre qu'il ne l'aimait pas vraiment.
C'est le matin, Fogiel est en t-shirt gris et gilet noir, façon "je m'en balance je suis à la radio", Houellebecq persévère dans son look kaki et laisse pousser ses petits cheveux qu'il tripote. Pendant moins d'une demi heure on assiste à une sorte d'Ecole des fans à l'envers, le gamin qui pose les questions au vieux loup, les questions sont fogieliennes mais les réponses importantes.
On apprend que Michel doit arrêter de fumer (!!!) et qu'il n'a pas envie de rester pour écouter Philippe Besson parler de Jean D'Ormesson, parce que, dit-il de la façon la plus mignonne qui soit "chui pas encore très sociable".
Je trouve que la vidéo est assez incroyable, c'est toujours très poignant d'écouter Michel parler de lui, se confier sans réserve même face à un journaliste qu'il n'a pas l'air d'aimer mais à qui il semble pardonner.

En attendant une bonne critique d'Ennemis Publics, voici la vidéo

dimanche 28 septembre 2008

"Autant ouvrir un Starbucks dans ta tête"

Les grandes vacances d'été dans le New-York nettoyé de Giuliani, c'est le moment pour Luke Shapiro de vivre en accéléré et de découvrir l'amour, l'amitié, le sens de la vie et le rock en moins de deux mois. Luke a a peu près 18 ans et arpente la ville avec son chariot à glaces sur lequel est accroché son ghettoblaster qui crache du hip-hop 90's faisant office de bande originale du film, ce chariot dissimule en fait des kilos de sachets de drogues, c'est aussi comme ça qu'il peut payer ses séances chez son pote-psy-sosie de Bukowski, quant à l'amour, ça tombera sur la belle-fille de ce dernier.
Voici grosso modo le résumé de The Wackness, un film iniatique mettant en scène l'entrée en vie d'un jeune terrien plutôt insignifiant aux préoccupations universelles, beaucoup plus universelles que celles d'une mère précoce et au papa ultra compréhensif (Juno). Ici Luke est plutôt du genre puceau tardif et aux parents expulsés de leur appartement, côté coeur, Jonathan Levine redore le blason du coeur brisé comme unique façon de se sentir vraiment vivant.
Un film aussi important que parfait, aux vertus purificatrices et faisant largement la nique à toutes les bouses estampillées "cool" sous prétexte que la B.O serait tout droit sortie de l'Ipod d'un ado incompris.
Wackness est une petite bombe, le genre à n'exploser que dans une ou deux salles parisiennes, et ça c'est incompréhensible de chez incompréhensible.

mercredi 24 septembre 2008

Que je sois fusse

Ce qui me fascine chez Bégaudeau c'est sa discrétion, la façon qu'il avait eu dans son livre de ne pas mélanger vie privée et vie professionnelle, peut-être c'était aussi pour ça qu'il était chiant, ce livre. Je veux dire, j'aurai bien voulu savoir ce qu'il faisait après les cours, s'il regardait la télé ou mangeait des bananes, c'est ça qui manquait finalement, le voyeurisme.
Quand Bégaudeau parle de l'école il ne parle que de l'école, quand il fait de la docu-fiction, il s'implique et ne digresse jamais, c'est peut-être pour ça qu'il a fait de bonnes études, parce qu'il est rigoureux, qu'il faisait ce qu'on lui demandait alors que moi je pouvais pas m'empêcher de raconter ma vie dans mes copies de maths. Lui c'est quelqu'un de sérieux qui ne s'éloigne jamais de son objectif premier, et quand il s'éloigne ça ne dépasse jamais la cour de récré, dans le livre comme dans le film la seule scène extérieure est au début, quand il est appuyé sur le comptoir d'un café, qu'il appréhende mollement la rentrée, mais là encore, il est sûr de lui, il sait où il va.

Je suis très amoureuse de François Bégaudeau, là j'hésitais un peu, mais il n'y a désormais plus de doute, c'est peut-être pour ça que j'ai tant aimé le film. On ne juge pas son mec.
Déjà j'aime bien sa petite tête encastrée dans son gros cou, il me fait penser au papa dans les Indestructibles, et puis il porte des trucs bizarres, très simple, très fonctionnel, t-shirt et gilet en automne, t-shirt Celio en été. Couleur de base : kaki, gris, noir, blanc, rouge, beige.
Il porte même un jean, un jour une de mes profs m'a dit que les profs doivent absolument éviter de porter des jeans, mais Bégaudeau en porte un, ça le moule un peu. C'est vrai qu'on dirait qu'il est gay.

Les autres professeurs sont de vrais professeurs, je crois qu'une tête de prof ça ne s'invente pas, c'est à la fois impossible à repérer dans le métro mais d'un autre côté une fois qu'on le sait on se dit qu'ils ne pourraient pas faire un autre métier, ces gens-là.
Il y a surtout le prof d'histoire géo et la prof blonde et enceinte qui sont incroyables, cette dernière je l'avais vu réagir au film dans un reportage sur un JT, elle disait que ce film montrait bien qu'"on n'enseignait pas qu'à des abrutis", dans le film elle porte des robes légères mais bien moulées sur son corps, ses bras sont potelés.

Bien évidemment, dans le cinéma dit "naturaliste", tout le monde garde son vrai prénom alors Esmeralda s'apelle Esmeralda et Boubakar s'appelle encore Boubakar (j'ai un Boubakar dans ma classe de TL). Un petit paquet d'élèves se distinguent du tas, et si on y réfléchit un peu : c'est exactement comme ça que ça se passe en classe, ici l'élève se distingue à la fois aux yeux du public qu'aux yeux de la classe entière, il ne peut briller que par ses répliques et ne peut se faire détester que par ce même moyen. On se rend bien compte que la parole est libre, Laurent Cantet laisse carte blanche à ses acteurs comme un professeur laisse tacitement carte blanche à ses élèves. Comme le dit mon prof de philosophie "l'école est le seul endroit où on ne se soucie pas des conséquences de ses actes", le cinéma aussi.
Beaucoup de critiques ont dit qu'il s'agissait d'un film sur le langage, oui oui, mais si on y réfléchit deux minutes, l'école c'est surtout des pièces vides, des chaises et du langage. On le sait tous : c'est très pauvre une salle de classe et c'est ce qu'essaye de montrer le dernier plan du film. Les salles sont les mêmes, les enfants les traversent.
La classe c'est aussi le plus bel exemple des pouvoirs d'une présence humaine sur un lieu, ou comment trente élèves entre des murs réchauffent soudainement l'atmosphère. Ce film c'est aussi "voilà ce qui se passent tout les jours sur la terre, de dehors ça n'a l'air de rien mais à l'intérieur ça bouillonne, on malmène des stylos, on somnole, on proteste, on rigole un peu, on charrie énormément, et ça personne ne le voit ni ne l'imagine.". Petit miracle quotidien, à l'abri de tout. Quant à la mixité sociale, ça n'a toujours été qu'une question de hasard.

samedi 20 septembre 2008

"Non maman, je ne trouve pas le monde détestable"

De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites
de Paul Newman



On avait toutes les deux repérer le film dans nos Pariscope respectifs, le titre était long et rigolo, comme les aiment les français, les français aiment les titres longs, ça je le sais.

J'étais un peu déprimée par le week-end, je regardais New Wave dans mon lit, les stores fermés, un vieux châle sur les épaules, le coca light pas loin, j'ai pu enregistrer le téléfilm de Gaël Morel sur mon pc pendant que j'étais au cinéma, hier. Pouvoir enregistrer des émissions télé à même son ordinateur, ce n'est pas une très grande révolution, disons qu'il fallait que ça arrive. Bon il était 16 heures, j'avais prévu un cinéma en soirée avec Cécilia, j'espérais juste qu'elle n'y tenait plus, que d'un commun accord nous oublierions cette idée et qu'aucune de nous n'enverrait de SMS.
A 16h50 j'étais encore chez moi, à demander à Emile de me prêter ses Converse bleu marine (on fait la même pointure), à 17h30 je devais être à Saint Michel, j'en rigolais d'avance, c'était très naturellement impossible, tellement impossible que je prenais mon temps, je m'imaginais déjà traîner avec Cécilia en attendant la prochaine séance.

J'étais à Saint Michel pour 17h50, la séance était à 18h, on courrait à travers les gens, on passait devant les voitures qui voyaient deux petites filles courir en rigolant, j'essayais de raconter des trucs à Cécilia. On est arrivé à temps, à la Filmothèque t'as le propriétaire du cinéma qui t'accueilles et qui te demande si tu veux pas recevoir le programme dans ta boîte mail, je lui ai fait "en fait nous on achète Pariscope alors on voit le programme", "oui mais là vous l'aurez directement dans votre boîte....bon je vous laisse réfléchir". Je me sentais capable d'accepter, ça ne me dérangeait pas, peut-être même que c'était utile.

Dans la salle j'ai fait à Cécilia "ce truc il va me gêner pendant le film", en pointant du doigt la Marylin d'Andy Warhol (un artiste américain) because on est trop contre le pop-art depuis qu'on s'est rendu compte que notre classe ne connaissait et n'aimait donc que ça en art moderne.

Je ne connais pas bien le cinéma des années 70, dans ma tête je reste bloquée au "Lauréat" qui est, si on me le demandait, un de mes films préférés. Le film ressemble à bien des égards à "A Swedish Love Story", il se passe dans la même décennie, s'essouffle un peu vers la fin et il y a ce même personnage de la petite fille blonde et pure qui déchire l'écran, à chaque plan on essaye de déceler une once de malveillance, de sournoiserie et on ne trouve jamais rien, elle est juste là, blonde, un peu malmenée par ses parents, impassible, aimant la vie, aimant sa mère, un petit crystal adorable au look joliment preppy. Et puis la plus grande, la plus fascinante, celle sur la photo, sa vie est magnifique, elle a toujours les jambes tordues, perchées, sur des meubles, elle boit du coca dans des bouteilles en verre, elle fait ses ongles, ignore ce qu'est internet, peut se permettre de détester les vieux, a un petit copain, a vraiment tout pour elle et un look à vendre sa penderie sur Ebay. Il faut aussi un peu parler du bordel décomplexant pour nous qui s'impose dans tous les décors du film, de la maison au jardin en passant par les salles de classe, des mines d'or pour les antiquaires et accros de vintage. C'est surtout la cuisine qui est crade, tout y est terreux, poussérieux comme un grimoire en dehors de la brique de lait fraîchement achetée, pas encore viciée et qui fait contraste. C'est une maison qui semble à l'abandon, vide mais débordante d'objets accumulés et où les corps féminins de la famille évoluent en chemise de nuit et robe de chambre, les pieds froids, jolies comme des coeurs, crades comme des hommes. Elles n'ont pas l'air totalement installées, la mère passe ses journées à lire les petites annonces, à la recherche de quelque chose pour elle, dans ses moyens, poussant parfois l'ambition assez loin pour aller repérer des locaux à louer pour son futur salon de thé, il y a cette accommodation à une vie un peu misérable qui n'est possible qu'à condition de croire en un avenir proche et plus beau, c'est un peu comme dans le Silence de Lorna. Une petit parfum aux essences de Norman Rockwell et de John Cassavetes, dans le genre "femme du réalisateur comme muse ultime". Ce qu'on y voit est d'ailleurs essentiellement un monde de femmes, des jeunes, des très vieilles et quand il y a des hommes on les soupçonne d'être gay.

Après le film on est allé manger des falafels, j'ai repéré des super bottes dans une vitrine, et un super sac dans une autre vitrine, puis on est allé au Mcdo, Cécilia a pris un Banania et moi un Coca Light. On a discuté jusqu'à 22 heures, de love et de cinéma, avec Cécilia on aime bien les films comme celui qu'on venait de voir, à la frontière de l'idée qu'on peut se faire d'un film d'auteur tout en restant divertissant, le cinéma "du milieu" comme on l'appelle. On est rentré chez nous, peut-être demain on ira voir La Belle Personne mais on a un contrôle d'histoire à réviser, on verra bien.

vendredi 19 septembre 2008

Contre une vie de couple plan-plan : tournez des films



Quand je tombais par hasard sur un film d'Agnès Jaoui ça se passait surtout en été, au Liban, et sur TV5. Je crois que j'étais un peu fascinée par elle, elle a quelque chose de dur qui m'effraie un peu, qui fera qu'elle n'acceptera jamais qu'on soit amies. Et puis aussi je la trouvais trop belle avec ses cheveux longs, un peu moins maintenant, maintenant elle a grossi énormément et elle a une coupe un peu moche, disons qu'elle s'est rangé, mais on sait que c'est encore elle, parce que son visage reste. Pendant le film j'ai pensé que, c'est vrai les cheveux longs ça rend moins strict un visage, ça peut s'interpréter comme du laissez-aller.

Jamel Debbouze est bien habillé dans le film, je pense qu'on n'a rien imposé aux acteurs, "choisissez 3, 4 tenues pour le tournage et qui correspondent si possible à votre personnage", on a dû leur dire ça et Jamel a choisit quelques polos Lacoste, des chemises, des jeans et des vestes de sport sombres plus une veste en cuir. Pendant le film on le regarde et on se dit "il est marié avec Melissa Therriau, ils doivent trop s'amuser"

Quant à Jean-Pierre Bacri j'avais l'image d'Agnès Jaoui qui disait à la caméra "Jean-Pierre pour moi c'est le meilleur acteur du monde", je viens de voir qu'ils sont en couples, ça m'impressionne, j'ai entendu dire qu'avec ce film ils en étaient à leur septième collaboration. Bacri est assez beau gosse, peut-être que les scènes qu'ils tournent ensemble amplifient l'amour qu'ils ont l'un pour l'autre, surtout quand Bacri en embrasse une autre.

Il y aussi la serveuse qui travaille dans l'hôtel de Karim (Jamel), je la connais, elle jouait dans Extension du domaine de la lutte, on avait dû lui demander de surjouer parce que jouer aussi mal je ne pense pas que ce soit possible, mais chez Jaoui elle se rattrape grave malgré son nez qui est extrêmement droit, ça c'est un peu stressant.

En dehors de ça, et bien, le film est exceptionnel. Pourtant j'y étais allée un peu "bon c'est vendredi, faisons quelque chose, ramenons une copine avec nous", Marie est venue, elle avait l'air un peu triste, personne ne voulait aller avec elle à la Technoparade, moi je ne voulais pas y aller du tout, la dernière fois c'était il y a 3 ans, j'étais avec des amis d'internet et on s'était retrouvé par hasard au centre de l'effervescence, des bouts de verre de bouteille de vodka m'avait frôlé, ça m'avait pas trop plu. J'aimerais bien savoir quel âge à Jaoui.

jeudi 18 septembre 2008

Brave gars

J'ai presque un défaut, un défaut qui ne gêne que moi (beaucoup de mes défauts ont cette caractéristique-là, c'est une de mes qualités): quand une émission coul passe à la télé et que je suis claquée je préfère tenir encore un peu grâce à mes réserves d'énergie cachées et regarder l'émission en question plutôt que de dormir. Une bonne émission ça me tient toujours en éveil. Hier quand j'ai appris que Bégaudeau et Laurent Cantet seraient chez Taddéi je me suis arrangée pour être à l'heure au rendez-vous : en pyjama, les devoirs faits, la douche prise, la bouffe au fond du ventre, les réveils programmés. Tout était bien.
L'entretien était ensorcelant, un vrai petit gâteau au chocolat pour le cerveau. D'un côté Laurent Cantet et sa tête qu'il n'arrête pas de secouer, de l'autre, Bégaudeau qui lui n'arrête pas de la pencher, au milieu, Fred qui a comme à son habitude overbossé le sujet.
Le miracle : l'éloquence inégalable de Bégaudeau, sa façon si musicale de dérouler les vérités, de viser juste, autant dans ses idées que dans le choix de son vocabulaire, le recul sincère et évident qu'il possède par rapport à l'ensemble du lot que constitue "Entre les murs" : le livre, le scénario, son jeu d'acteur, la Palme d'or.
Autant dans "Ca balance à Paris" j'ai toujours bien envie de le tabasser, autant ici je le trouve trop séduisant, à croire que ça réussit toujours mieux aux gens de créer plutôt que de commenter les créations.
Le lendemain, sentant que j'allais être interrogée en philo je me suis donné du courage en pensant à la rhétorique de François, en me promettant de l'imiter si jamais le prof annonçait "Mademoiselle Joudet, je vous écoute". Finalement c'est tombé sur Rafael, je me suis penchée vers Julie et je lui ai susurré "j'en étais sûre...c'est parce qu'il est arrivé en retard".

La vidéo de l'émission



Entre les murs, le livre

L'idée du livre était assez simple: une année, une classe, un prof de français, un point de vue. Faire le bilan d'un milieu qu'on imaginait en crise, comme le reste, en crise et d'une crise à la mode, qui pouvait intéresser. Le résultat était un peu faible, assez inutile, proche du degré zéro de l'écriture et surtout du degré zéro de l'effort d'écriture, dépassant rarement celui du simple procès verbal : constatations, déclarations d'une situation.
Tout s'éclipse devant ça, même le style, et sous prétexte que François donnait déjà beaucoup en choisissant le prisme illusoire du réalisme il ne fallait donc pas lui en demander plus, l'objectivité, si rare de nos jours, encore plus rare quand on parle de ce qui se passe "entre les murs" d'une classe, suffisait à justifier son projet. "Il n'y a pas de style mais il y a autre chose", et le lecteur qui baille entre les...lignes. La réalité n'a pas de style, c'est peut-être pour ça qu'elle est si chiante, et de me rappeler une phrase de Matzneff, "Un écrivain c'est une pensée soutenue par un style". Ouais je sais elle est coul.

Entre les murs - François Bégaudeau, 289 pages, Folio, 6,30€

vendredi 12 septembre 2008

La possibilité d'une île de Michel Houellebecq



Ce blog avait été assez vieux pour faire une critique du livre de Michel Houellebecq, "La Possibilité d'une île", un livre que j'avais lu avec la crainte de ne pas y retrouver la perle incrustée dans les précédents, un livre qui m'avait énormément plu et qui avait comme principal souci de changer la recette initiale, l'ambition de prendre le parti du roman d'anticipation.
Des articles dans différents magazines prouvaient bien qu'il y avait tournage, on a d'abord su qui serait l'acteur qui incarnerait Daniel1/Daniel25 puis la rumeur un peu moins vraie d'une bande originale composée par Iggy Pop, puis Première avait lâché un de ces journalistes sur le lieu du tournage, l'article témoignait d'un réalisateur taciturne, peu enclin à faire la promo d'un film inabouti mais ouvrant volontiers un blog officiel pour l'occasion.
1 an plus tard les affiches sont accrochées, ici et là des interview fleuve de Michel comme l'unique façon de faire parler cet écrivain assez bien placé au-dessus du reste. Et puis déjà les titres "la possibilité d'un bide", des trucs dans le genre, les critiques en sont fiers, jamais un film ne leur aura offert un si grand choix de calembours, une belle brochette de bouffons.

C'est donc un pain aux raisins dans le sac pour pas me faire choper par les employés de l'UGC que je m'en vais voir un mercredi après-midi "la Possibilité d'une île", film réalisé par un certain Michel Houellebecq me dit-on dans l'oreillette.

Le film, brièvement

D'un côté l'ambition d'un écrivain borné qui après le très allemand et moyen "Particules Elementaires" et le sans faute d'"Extension du domaine de la lutte" ne veut plus voir devant la caméra d'un étranger se dérouler ses propres romans. De l'autre côté, ce petit film d'1h25 timide et décousu qui aurait tout aussi bien pu tenir sur trois heures tellement les thèmes du livre était variés, presque infinis, on aurait alors pu assister, si cela avait été bien fait, au déploiement d'un film total et générationnel, ce à quoi aspire l'oeuvre littéraire de l'écrivain. L'effort colossal d'imagination et de recherche mis en oeuvre dans le roman, pensais-je, se serait traduit dans le film par des moyens financiers tout aussi colossaux.

Le résultat est qu'il y en a pas, jamais un film n'avait été aussi vide de sens, vide de tout, tellement vide que cela en devient apaisant. Ca dépasse de loin l'idée d'un film expérimental, d'un film ovni, ça dépasse aussi l'entendement. C'est douloureux à dire mais il n'y a strictement rien à faire, rien à extraire de ce film, et s'il fallait obligatoirement en garder quelque chose on retiendra une scène de concours de bikini ou une actrice africaine plongée dans la torpeur au milieu du désert.
Dites vous bien que je dis ça avec l'idée d'épargner le plus possible Michel Houellebecq, que je parle (toujours) à travers le prisme de l'admiration, tentant comme je peux de lui trouver des circonstances atténuantes, une gastro un peu trop tenace pendant le tournage, je ne sais pas moi, il doit bien avoir une raison.

mardi 9 septembre 2008

Be happy de Mike Leigh


C'est Poppy, un nom qui sonne rigolo pour une nana tout droit sortie d'un clip de Mika, le string orange et le soutien-gorge fuschia avec toujours des tas de trucs qui font gling gling glong sur les poignées et sa petite bande de copines fluokids. La bande-annonce nous promettait un personnage haut en couleur qui voit en toute occasion la vie du bon côté, une sorte de remède au pessimisme ambiant des anglais (le réalisateur a dû prévoir qu'il en était de même en France et dans le reste du monde) qui allait dès la sortie de la salle nous contaminer, on verrait alors d'un autre oeil les crottes de chien et les cimetières. (ça me fait penser à ce moment dans La belle au bois de Walt Disney où les trois fées transforment tout les obstacles qui empêchent le prince d'accéder à la tour où se trouve Aurore, les flèches deviennent des bulles, l'eau chaude qu'on lui envoit se déverse sur un arc-en-ciel, pitié que ce passage évoque quelque chose à quelqu'un)

Au début on redoute un peu le film consensuel qui prendrait la difficile relève de film comme Little Miss Sunshine ou encore Juno
il y avait dans ces deux films cette douce folie qui animait chacun des personnages, une folie rassurante : les personnages avaient tous quelque chose de bien à eux tout en restant profondément normaux, il fallait que ça reste cinégénique et que personne n'en soit effrayé. On s'identifiait très facilement et on avait l'impression qu'on était les seuls à les comprendre. Les situations étaient cocasses (oh le bus qui part sans la petite!) on riait beaucoup. C'est par des procédés aussi douteux et démagogiques qu'on réussit tant bien que mal à mettre tout un public d'accord.

Be Happy, malgré sa petite affiche fluokikoolol tente à chaque seconde d'échapper au consentement du spectateur avec des scènes bizarres et sans rapport les unes avec les autres, comme par exemple lors d'une longue scène où Poppy rencontre un clochard qui bredouille sans cesse la même phrase, ça dure bien 10 minutes, on ne comprend pas bien, il fait nuit, on se calfeutre dans son siège.
L'immense point fort du film reste quand même la très belle actrice, cette nana joue si bien que j'aurai du mal à croire qu'elle soit différente de son personnage dans la vraie vie, cette fille qu'on juge un peu simplette mais qui au final nous fait tous la nique parce qu'ayant réussi à vieillir sans rien perdre de sa capacité à s'émerveiller d'un rien, excellant dans le dur exercice qui consiste à faire le bien autour d'elle (de ses élèves de maternelle en passant par son prof de conduite), le film se détourne vite de l'optimisme dépaysant de Poppy pour esquisser l'ébauche un peu bancale d'un film social (sans domicile, enfant battu, racisme)

On peut aller voir ce film entre copines célibataires, il y a de quoi remonter temporairement le moral de celles qui n'arrivent toujours pas à se détacher de l'obsession d'acquérir le menu mari/foyer/enfant. J'ajouterai que c'est assez bien foutu, le réalisateur se plaisant à filmer le contraste Poppy/gris de la ville, c'est aussi blindé de couleurs qu'un tube de Smarties, et les fringues de Poppy sont à tomber. Une sorte de Carrie Bradshaw sans les moyens et beaucoup moins antipathique.

samedi 6 septembre 2008

Le Silence de Lorna



C'est Cécilia qui après les cours m'a demandé si je voulais aller le voir avec elle, on avait nous deux nos Pariscope dans nos sacs et elle m'a demandé "plutôt le soir? toi tu préfères le soir?" j'ai dit oui, j'avais l'impression que j'avais le temps pour une petite sieste avant la séance parce que l'année dernière je finissais à midi tous les vendredis et puis quand je suis sortie du dernier cours de la journée ça m'a étonnée qu'il soit 16 heures, si tard. Je suis rentrée chez moi, j'ai mangé un plat de frites, puis j'ai écouté John McCain parler sur LCI, McCain comme les frites, la coincidence de malade. Ensuite je me suis disputée avec ma mère et j'ai bu une tasse de café parce que je commençais à avoir sommeil, j'ai confirmé silencieusement le rendez-vous par SMS et on peut dire que c'était parti.

Dès le début on sent que l'histoire est un peu compliquée, qu'il va falloir ne pas faire l'impasse sur la lecture de tous les sous-titres, plusieurs histoires compliquées s'entrecroisent et se complètent, on en recueille des éléments et on finit par comprendre l'ensemble. Il y a Lorna qui se marie avec un camé (Jérémie Rainier qui m'a toujours fait l'effet d'un fils caché de Claude François), le corps sec est bronzé comme un nugget, il écoute Ghinzu sur son lecteur cd, demande "10 euros, pour les cigarettes" à Lorna qui garde et contrôle son argent à lui dans une enveloppe kraft, il est plein de bonne volonté, il veut faire la cuisine, arrêter la drogue "prends la clé avec toi, si je sors et que je vois les gens je vais retombé", s'achète un vélo pour 50 euros "je vais pédaler toute la journée, vers midi je peux venir te saluer? ça me fera un but dans la journée", tentant d'accomplir des activités qui collées les unes aux autres formeraient une idée du bonheur. Il n'arrête pas d'appeler Lorna, il a besoin d'elle, de ses mains il lui menotte les poignées, de ses bras il lui bloque les jambes, toujours en train de la tirer/l'attirer vers le bas, comme tout les hommes qu'elle croisera, sauf que lui il est pur et vulnérable, un peu sonné par la tristesse.
Elle, elle porte une doudoune cirée Esprit avec des hauts bizarres et moulants et un jean rouge "pattes d'éléphant" comme on disait en primaire, j'ai un peu le même qu'elle mais en velours côtelé, une coquetterie d'un autre temps, agréable à déchiffrer. Le soir elle tape silencieusement un SMS assise au bord de son lit un peu comme moi quand je réponds à Cécilia, et le bruit des touches nous berce, elle a deux grosses cuisses pleines d'eau et des seins comme des piqûres de moustiques, son petit sac bien calé sous le bras, elle donne vie et lumière à tout les objets qu'elle approche : le sandwich qu'elle mange, le sac qu'elle remplit de CD, la tasse bleue qu'elle porte a ses lèvres avec la cuillère qui gêne un peu le nez. Le choix de la caméra est tel qu'on en devine la lourdeur des corps et la texture des peaux.
A la fin Lorna échappe à la totalité du monde, elle n'a plus d'obligations, plus d'état civil, on ne sait pas très bien si elle est enceinte, elle a souffert comme une femme mais sa solitude est celle d'un homme, entre les arbres. Son histoire est plus importante que la nôtre. De la civilisation elle n'en garde qu'une autre doudoune cirée avec une moumoute sur le col, elle s'allonge sur un banc dans une cabane et laisse danser les flammes du poêle sur son visage. On entend trois quatre notes de piano, la seule musique que les réalisateurs s'autorisent, comme une faiblesse. Puis après c'est la fin, on sort en queuleuleu en se tenant les portes et en susurrant des "merci". Pendant une scène plus ou moins violente dans la salle une femme s'est levée et a commencé a parler toute seule, elle est restée peut-être 10 minutes debout devant l'écran. On a flippé, on était pas habitué.

mercredi 3 septembre 2008

Night and day et Woman on the beach de Hong Sang Soo



Je ne connais rien du cinéma coréen -ni d'aucun cinéma d'ailleurs-, je veux dire, je vois les films, je les juge très sévèrement, le processus de visionnage s'arrête au moment où je sors de la salle mais avec l'expérience je constate que ça m'apporte quelque chose, quelque de chose de transparent et de tout petit et qui dépasse de loin la limite qui sépare la salle de cinéma de l'extérieur, le silence du bruit. Parfois ça fait écho à des choses que je vois dans ma propre vie, j'en garde des répliques, des comportements, des idées de tenues vestimentaires, à force ça s'entasse, le cinéma en prend autant à la vie que la vie en prend au cinéma et les grains de riz constituent un bol, un bol consistant, nourrissant, visible, des influences pour écrire, pour mieux vivre, quelque chose se débloque définitivement dans l'esprit.

Le cinéma coréen, j'aimerais le connaître, je ne demande que ça, mais ça voudrait dire acheter des DVD à 30€, courir les minuscules salles de cinéma plus petite que l'écran, et puis il y a les a priori qu'on se fait sur le cinéma du monde, juste parce qu'il n'est pas de France ni des Etats-Unis il se dote tout de suite d'une charge intellectuelle disproportionnée, je veux dire, les distributeurs sortent rarement le Brice de Nice coréen, ils exportent plutôt des trucs qui plairont au duo MK2-Cahier du cinéma.

J'ai voulu rencontrer Hong Sang Soo parce qu'en fait j'étais allé voir The Savage Eye et qu'au MK2 il y a toujours plein de petits prospectus des films à venir que je pioche et que je lis bien calée au fond du siège avec un petit cigare, nan je rigole on peut pas fumer dans les cinémas. Je veux dire, certains ont les pop-corn, d'autres les prospectus de consolation.

Hong Sang Soo a sorti deux films sur deux mois, c'était un peu la saga de l'été, il y en a un qui date de 2007, son avion a eu du retard et il n'a pu venir que maintenant, le 20 aout, celui-ci c'est "Woman on the beach", et puis il y a Night and Day, sorti en juillet, le premier dur 2h15, le deuxième 2h30, les affiches donnent extrêmement envie.

Night and Day
c'est les rendez-vous de Paris qui s'accouple avec le Signe du lion de Rohmer, l'histoire d'un peintre qui ne tient pas un semblant de pinceau pendant tout le film (il préfère les cigarettes) et qui se voit obligé de se réfugier à Paris parce qu'il a fumé un joint dans son pays et qu'il risque d'aller en prison. Il y laisse femme et appartement, j'aime bien les films qui se passent à Paris, c'est la seule grande ville que je connais un peu, quand on parle de Paris on parle un peu de moi, on se rapproche géographiquement de mon lieu de vie.

L'acteur est un gros nounours extraordinaire et un peu bougon, tiraillé par ses envies de peloter les coréennes qu'ils croisent d'ailleurs l'affiche résume très bien l'affaire, l'acteur dérouté, interloqué devant l'Origine du monde de Gustave Courbet. c'est très drôle parce que dans ce film on a comme l'impression que Paris n'est peuplé que de coréens, comme si chacun se bornait à voir ce qu'il voulait dans la rue, par exemple moi je sais que je ne vois que les kiosques à journaux et les hommes un peu vieux, le reste je l'ignore assez pour le faire disparaitre.

Hong Sang Soo rigole un peu de lui-même, tourne en dérision ces quelques tentatives de lyrisme comme au moment où il filme un petit bateau de papier qui navigue dans l'eau qui coule dans le caniveau, emportant un caca de chien avec lui avec en bande sonore de la musique classique. Comme chez Rohmer il y a une opposition entre deux environnements, ici la plage et la ville.
Paris, son personnage n'en sort pas (du moins jusqu'à la fin), on pourrait éternellement vivre dans cette ville, on pourrait même se laisser aller à un parisianisme bien gluant même quand on est pas parisien (mais qui l'est vraiment?) et si on veut voir un peu de sable on conduit jusqu'à Deauville, on y passe la journée et on revient.

Et puis il y a ses dialogues hallucinants : les acteurs commencent à raconter n'importe quoi, les dialogues sont incohérents comme si tu coupais et mélangeais les questions et les réponses d'une interview, ils sont ivres d'avoir trop mangé, d'avoir trop bu, dégouté d'avoir trop mangé, d'avoir trop bu, baignant dans des vapeurs de riz chaud et de thé, ils savent qu'ils ne sont pas en train d'écrire l'Histoire alors ils en profitent et font n'importe quoi emportant dans leur danse le réalisateur. Night and Day est un chef d'oeuvre d'optimisme avec des scènes guillerettes mais bouleversantes.

Woman on the beach

En marchant vers le cinéma un mec de la croix rouge plutôt mignon est venu me demander "je vous accompagne quelque part?" je lui ai dit en souriant "si vous voulez, au cinéma" en pointant le MK2, alors il m'a fait "ça prendra 17 secondes", je lui ai dit "PAR CONTRE, je suis mineure", il m'a répondu "ah ok alors je te laisse tranquille", me crachant son tutoiement à la gueule, passant du séducteur-prosélyte à celui d'animateur de centre aéré, ensuite deuxième péripéties : j'ai confondu la caisse avec le stand de pop-corn, la caisse changeant une fois sur deux d'emplacement, mais la fille qui tenait le stand a été plutôt gentille.

Le film,
déjà il y a l'effort à faire, celui que HSS à fait en venant filmer à Paris tu dois exécuter le même en acceptant de voir un film qui se déroule dans une station balnéaire coréenne. Ici les mêmes codes que pour Night and Day, un homme pour deux femmes, croire en l'idée qu'on est plus que les seuls sur terre, le microcosme que l'on se construit mentalement, l'illusion de la fidélité, le problème féminin, choisir entre la possession tranquille d'une seule où l'ivresse de toutes les autres, la nourriture et le saké, les jambes des filles, blanches et froides, la dualité de l'artiste, tiraillé par ces deux pôles, l'un profondément animal, colérique, obsessionnel, impulsif, et l'autre : sage, génial et créateur, plus insoupçonné, et puis ces scènes miraculeuses d'intelligence qui jaillissent du film comme elles le font au sein de nos propres existences tièdes.

Un artiste (réalisateur) qui décide de prendre un peu l'air pour finir son scénario, emportant avec lui son ami chef-décorateur et sa petite amie (là encore le malentendu "mais je ne suis pas ton amie", "faut-il coucher pour sortir ensemble?", "je t'ai embrassé mais ça ne veut rien dire"), et puis peu importe si les statuts ne sont pas très bien définis, personne n'appartient à personne, l'important est de s'accrocher à la personne qui nous plait peu importe si elle est libre ou non, les gestes sont urgents et désespérés. Il n'écrira pas une ligne de son scénario ayant toujours mieux à faire, jusqu'à qu'il soit bloqué par une jambe cassée qui l'obligera à le finir en une journée.

Comme pour Night and Day, on ne comprend pas tout des dialogues et j'ai eu pour réflexe de mettre ces scènes de bredouillages incohérents sur le compte de l'exotisme d'un pays et d'une culture que je ne connais pas, dans celui-ci comme dans Night and Day beaucoup de choses restent inexplicables comme si quelque chose de trop français dans nos esprits restait imperméable à certains phénomènes. Un peu en dessous de Night and Day mais un pur ovni rafraichissant pour le spectateur profane.

Woman on the beach est encore en salle.

il faut occuper les occupés

ou peut-être que c'est ça ? les occupés sont tellement occupés qu'ils n'occupent même plus le web.

(ce que j'ai toujours aimé chez les occupés je crois que c'est le non-sérieux. je trouve ça vraiment admirable. sauf quand je lis des commentaires parfois, par exemple, sur mes articles un peu exécrables, d'accord : là je me dis que tout le monde n'a pas assimilé ce même principe de non-sérieux. et je finis par me demander si je n'ai pas vachement interprété. et la question se pose réellement quand il n'y a plus d'article ici depuis des mois, comme si c'était tellement sérieux qu'il fallait un truc super intelligent à dire pour poster. il ne s'agirait pas non plus de faire n'importe quoi. on a toujours ce même problème avec l'anarchie, ah ! "je fonde la première société anarchiste qui fonctionne : c'est moi". ce qui me ferait bander si j'étais Kant ce serait de me citer dans les dissertations, et de me faire dire ce que je veux.)

il est temps de vous présenter la plus grande chanson de tous les temps. OVER AND OVER, album "high time" des MC5 (il faut aussi écouter Skunk), 1971. je crois que le grand cliché sur cet album c'est qu'il marque la fin des MC5, qu'ils ne sont plus vraiment au top de leur forme, après "kick out the jams". mais sans aucun contexte, moi j'entends cette musique et je la trouve très puissante. peut-être un peu grossière. et ce contexte m'émeut. je pense à ces types qui ont écrit cette chanson et qui l'ont jouée, et ils y ont forcément consacré du temps, je trouve ça vraiment touchant. mon côté bon enfant bon public, parfois tout m'émerveille. mais surtout over and over et skunk aussi.




l'alarme du premier mercredi du mois - Paris, 12h10, 3 septembre 2008.

les occupés ne sont plus occupés

Les Occupés sont