samedi 3 mai 2008

EN CIERLARQUE


(ci-dessus : "image sans aucun rapport pour mon article")




- je vais quand même pas prendre douze bouteilles de champagne
- mais si, on les aura
- mais c'est complètement fou on est quatorze
- écoute je les ai commandées, tu les prends et on les boira à une autre occasion

(et moi de calculer : ça fait un litre par personne) (oui il y en a deux qui ne boivent pas)

20h05 le premier invité arrive, puis, tout se précipite, même ceux qui arrivent délibérément un peu en retard sont là vers 20h30, les bouteilles de champagne s'ouvrent, on se fait des courtoisies, au moins vingt personnes me disent que ma frange me va très bien, je crois qu'on me l'aura presque autant dit que "Alice ? au pays des merveilles !" : "tu as une tête à porter une frange" "j'ai toujours su que tu te ferais une frange" "c'est évident qu'il te fallait une frange". Et du coup je suis presque gênée, les gens aiment mon petit barrage de cheveux, voilà, ils ne veulent plus aller plus loin, ça me va très bien. Il n'y a qu'une personne qui comprend et qui veut me la soulever, cette personne doit être la bonne, revenons au sujet principal.
Déjà quelqu'un présente son cadeau à mon père, alors il s'assied à la table du salon pour l'ouvrir et d'autres cadeaux arrivent, et moi-même je me dis qu'il vaut mieux que mon cadeau soit noyé parmi les autres alors je l'amène, ce n'est pas que j'en ai honte, bien au contraire, mais c'est qu'il est simplement peu consistant, comme dirait Juliette, "on ne dirait pas un cadeau" (mais je trouve ça un peu bébête). Ce sont les mémoires de Robert de Montesquiou, un dandy du début du siècle dernier, qui intéressait beaucoup mon père, et il a eu l'air très content que je lui offre ça, il a même précisé qu'à chaque fois qu'il entrait dans une librairie il regardait s'il n'y avait pas du Robert de Montesquiou, et même à la hune ils ne l'ont pas, et moi je vais à la fnac et je le trouve directement, posé là comme en m'attendant, je trouve même ça suspect, j'aurais aimé devoir le chercher longtemps, comme si cela avait pu donner plus de valeur à mon cadeau, seulement rien à faire, il est bien là à la fnac. Qu'est-ce que j'aime me permettre des phrases tortueuses sans presque aucun sens général, des phrases xénophobes, je les appelle comme ça depuis une seconde c'est leur nouveau nom : ce sont des phrases qu'un étranger qui aurait appris le français comprendrait mot à mot mais pas dans leur totalité, tellement elles sont incohérentes.

je ne sais pas ce que ça signifie mais j'ai toujours un problème à conjuguer le verbe "boire".
je réforme le français et décrète que dorénavant on dira :
je buvrai
tu buvras
il buvra
nous buvrons
vous buvrez
ils buvront



ma mère n'arrête pas de se plaindre elle a été "malade".

quelle idée !

vers 23h les premières personnes se sont mises à partir,
à minuit il n'y avait plus qu'un petit comité, quelqu'un a demandé à sortir le whisky, comme si 1L de champagne par personne + 9L de vin rouge et blanc ne suffisaient pas.

à 21h Georges a dit : "y'a pas d'ambiance !"

moi je trouvais l'ambiance plutôt cool, je ne sais pas comment mon père a fait mais le mode random ne passait que de bonnes musiques, du punk principalement, de mémoire il y a eu "Sex Beat" de Gun Club, la chanson la plus cool et punk que je connaisse, franchement, et puis "I wanna be your dog" des Stooges, "Guns of Brixton" et "Spanish bombs" des Clash, "Like a rolling stone" de Bob Dylan, une reprise de "Running dry (requiem for the rockets)" de Neil Young, "(I'm) stranded" des Saints, peut-être quelques chansons de The piper at the gates of dawn de Pink Floyd avec Syd Barrett. Mon père m'a dit qu'il avait fait un mix, il ne faut pas croire trop au hasard quand même c'était trop beau.

- maman, j'ai mal au ventre depuis deux jours
- ça te fait quoi ?
- ben ça fait mal et ensuite ça part et puis ça revient
- (elle fait un mouvement de contraction) ça te fait comme ça ?
- oui voilà. ça fait comme ça quand on est enceinte ?
- oui ça fait mal comme ça mais encore plus
- ça doit être dur quand même
- si j'ai pu l'faire c'est que tout l'monde peut l'faire !
- c'est vrai.
- tu verras toi quand t'auras des enfants !
- pourquoi "des" ?
- ben peut-être que t'en auras plusieurs non ?
- non moi j'en veux qu'un, je veux qu'il vive comme un enfant unique. en fait j'en veux bien deux mais alors il faut qu'ils vivent dans deux maisons séparées et sans se connaître ! et puis si j'ai des jumeaux je vais quand même pas en tuer un pour que l'autre soit enfant unique mais bon... en fait je crois que les enfants il faut en avoir un ou huit, parce que si t'en as huit t'as quand même une petite chance d'avoir un prodige ! mais huit... c'est un risque à prendre, huit ! ça fait huit fois plus de stress, au moins un seul tes préoccupations sont centralisées...
- oui c'est vrai mais si t'en as qu'un, t'as que ça... tandis qu'si t'en as deux, bon, si t'en as un qui y passe, bon, t'en as un autre !

j'ai découvert la liberté en écriture récemment. c'est quelque chose qui a l'air absolument évident mais en fait pas du tout, il a fallu que quelqu'un le fasse pour que je me rende compte à quel point c'était facile. c'est vrai quoi pourquoi ne pas s'arrêter au milieu d'une histoire et en raconter une autre ainsi de suite tant que le tout tient la route, ce que, bon, c'est vrai, pour le moment, on ne peut pas affirmer.

aujourd'hui mon père a 50 ans.

Gemma a appelé à neuf heures pour le lui souhaiter. J'étais dans la cuisine en train de me la couler douce, à laver des coupes de champagne en regardant par la fenêtre. Je sentais l'auto-contentement monter en moi, un camion poubelle du samedi matin est passé comme pour me le confirmer (j'adore entendre les camions poubelle, en général ça veut dire qu'il est tôt), et le téléphone s'est mis à sonner, j'ai bondi pour décrocher avant qu'il ne sonne une deuxième fois, je ne voulais pas que mes parents soient réveillés. C'était donc Gemma, qui s'excusait d'appeler tôt, mais qui voulait souhaiter un bon anniversaire à mon père. J'ai ressenti beaucoup de choses en même temps, je l'ai détestée pour avoir formulé le joyeux anniversaire avant moi, ce n'est pas que je ne le pensais pas mais je ne l'avais juste pas dit à haute voix et j'ai eu l'impression qu'elle me l'avait volé. En même temps j'avais l'impression d'être dans son roman, parce que l'autre jour j'ai lu son roman, et il y a des histoires de femmes et de maisons de campagne et de téléphone qui permet de connecter les femmes et les maisons de campagne. Elle m'a dit qu'elle partait pour une maison dans la forêt, j'ai vraiment pensé très fort à ce qu'elle écrivait, je me suis dit que peut-être qu'il y aurait des drames là-bas et je l'ai enviée. Dans sa voix, quand elle m'a dit qu'elle était désolée d'appeler tôt, j'ai trouvé quelque chose de différent, je l'imaginais hésiter avant d'appeler et le faire finalement comme sur un coup de tête. Et quand je me suis mise à essayer de parler, que j'ai avancé que j'avais lu son article pour machin, j'ai senti que j'avais écoulé tout le temps qu'elle m'autorisait à parler, alors je n'ai même pas pu lui dire que j'avais lu son roman et le lui commenter, mais dans le fond ça m'arrange. C'est curieux, il n'y a rien de plus intime que de lire quelqu'un, je veux dire, ses mots. Et l'intimité se renforce lorsque c'est un livre publié et destiné à tous en général, parce que les choses ne sont pas personnalisées, l'écrivain n'a plus le même rôle que lorsqu'il est face à soi : il joue un deuxième rôle, le public. Ce qui permet d'en savoir plus sur lui ; c'est un honneur. J'adore le fait que la relation soit à sens unique. Le lecteur se sent à la fois frustré parce qu'il voudrait bien que l'auteur le connaisse autant qu'il le connaît et très supérieur parce qu'il sait des choses sur l'auteur qui lui ne sait rien. L'écrivain est un être généreux, et courageux.



Je vais me faire un thé.

Quelle journée splendide.
Je m'en veux de m'écouter autant, de me laisser mener par le soleil et la pluie. Seulement voilà je n'arrive vraiment pas à faire autrement. Ce soleil me rend folle de joie je n'ai pas été aussi heureuse depuis deux semaines. Il faudrait faire plein de choses mais la culpabilité s'est éclipsée, pour une fois j'arrive à vivre dans le présent. Ce matin, vers 10h, après la vaisselle, je me suis assise à la grande table encore dépliée de la veille encore apposée contre le mur pour servir de buffet. Il y a des chaises partout on dirait qu'un ouragan est passé par là. C'est différent de d'habitude, c'est un jour spécial. J'ai pris mon ordinateur et je l'ai posé là, j'ai pris le sac de fromage auquel on n'avait quasiment pas touché hier et une baguette de pain intacte et j'ai mangé à outrance en écrivant librement comme j'aime. Abondance : c'est le mot qui colle. Il n'y a rien de plus agréable que l'abondance. En vérité ça ne fait pas tellement consommer plus, il y a des gens qui l'ont compris et qui proposent des buffets "illimités", et "tout le monde y trouve son compte". C'est ma nouvelle maxime, tout l'monde y trouve son compte par çi, par là, tout l'monde est heureux comme ça dans l'meilleur des mondes etc.

Et hier soir à papoter au téléphone allongée dans le noir de ma chambre avec ma coupe de champagne, qu'est-ce que j'étais bien. Le pied, vraiment. Les pieds en l'air contre ma fenêtre, les bras coincés dans les pieds d'une chaise retournée, à gigoter sur la moquette. Je pense que regarder les étoiles au petit matin à côté de braises du feu passé n'aurait pas été plus agréable. Pourquoi me suis-je mis ça en tête, maintenant j'en meurs d'envie.

Voilà, si vous lisez cette phrase, merci d'accepter mon existence. Je suis très heureuse d'avoir pu parler un peu de mon bonheur éphémère, délibérément je n'ai pas employé le mot "partagé" parce que je doute d'être parvenue à l'étendre jusqu'à vous, tout au contraire, je me vois bien vous avoir crispés à lire toutes ces conneries, mais ça m'amuse aussi de toute façon ! J'ai décidé de tuer la honte, et d'ici deux siècles il n'y aura plus de définition dans le dictionnaire ! Et je tuerai aussi la retenue, à terme. Vaste programme.

4 commentaires:

Juliette a dit…

Ton bonheur est heureux, vive le soleil.



Une anecdote attribue à Charles de Gaulle les phrases « Vaste programme » ou « Lourde tâche » en commentaire à l'inscription « Mort aux cons ! », mais les formes de l'anecdote varient, proposant d'autres contextes [2].

Weakipédia

Murielle Joudet a dit…

la chute est belle et triste.

ashorlivs a dit…

L'avant-dernier paragraphe aussi !
Plus, même.

Anonyme a dit…

Je peux pas saquer l'abandonce

Les Occupés sont