jeudi 28 février 2008



Enfin un mec comprend qu'un concert c'est aussi et surtout un spectacle, qu'il faut une part d'imprévu et beaucoup de théâtralité. Ca faisait très longtemps que j'avais pas payé ma place, bougé mon cul à un vrai concert, fait la queue avec tous les étudiants qui t'attendent au bout avec un bon paquet de flyers que je finis toujours par utiliser en marque-pages.
j'étais toute seule, je me souviens pas être déjà allé à un concert avec quelqu'un, j'imagine que ça continuera comme ça encore longtemps. Je me souviens avoir pensé que les premières parties ne devaient jamais excéder une chanson, qu'au delà ça donnait déjà l'impression d'être interminable, j'ai remarqué les clefs accrochées autour des cous de toutes les musiciennes de Jens Lekman, ça confirmait l'impression qu'elles donnaient d'être des anges, je sais pas si elles pouvaient faire autrement que de sourire pendant qu'elles jouaient, c'était vraiment miraculeux, tellement miraculeux que je me suis sentie vibrer comme un portable et puis ma vue s'est floutée, j'ai dû fermer les yeux pour ravaler mes larmes sinon c'était la honte sur ma famille. En temps normal je déteste les concerts et au bout de la deuxième chanson je commence à regarder ma montre, mais là c'était autre chose et ça avait l'air d'être important, comme si toutes les sensations que procurent l'amour étaient comprimées dans une poignée de chansons, urgence, jouissance, révélation et très très profonde tristesse. Trop sonnée je suis partie sans même regarder s'il y avait un stand t-shirt.
En rentrant j'ai mangé comme un petit porc, à la radio ça racontait qu'un groupe de chercheurs anglais s'est vu attribuer une bourse de 2 millions de livres qui devrait leurs permettre d'expliquer pourquoi les gens ont besoin de croire en Dieu. Ouaip

lundi 25 février 2008

pour être heureux

Dean Moriarty et Carlo Marx consacrent leurs nuits à passer au crible tous les moindres détails de leurs vies, s'avouant mutuellement ce qu'ils pensaient, les idées qui les traversaient lors de moments passés ensemble. Ils démêlent les malentendus, clarifient les zones d'ombre, entretiennent leur amitié et ce jusqu'à 6h du matin, toujours aussi religieusement assis l'un en face de l'autre, en tailleur sur un lit, maintenus en éveil par l'excitation que peut procurer l'idée d'une confidence, l'idée d'être sincère.

J'imagine que si on prenait tous le temps de faire ça avec les gens qu'on tient à garder près de nous le plus longtemps possible et bien ça marcherait.

Sur la route - Jack Kerouac

dimanche 24 février 2008

inspirateur.

le soleil dépose de la poussière partout sur les meubles ou alors rend visible celle qui était posée là depuis longtemps. ça m'a donné envie de tout nettoyer alors j'ai passé l'aspirateur dans ma chambre, le bruit qu'il faisait recouvrait celui du CD de Neil Young. Ma soeur regardait ce que je faisais, surveillait mon travail, elle me montrait du doigt les coins que je négligeais. Je courbais le dos, mes jambes se pliaient dans mon jean. J'ai rangé l'aspirateur, un Dyson jaune et gris, j'étais fière de moi.Ensuite je trouvais pas mes pantoufles alors j'ai enfilé des talons compensés d'été qui trainaient par là. Je me suis maté dans le miroir, la cambrure de mes pieds, et bien c'était pas mal du tout.

jeudi 14 février 2008

Le cas Pita Lisme


NO PASARAN




Bonjour, je suis une prosopopée du Dr. Freud. Je vous confie aujourd'hui le témoignage d'une des patientes que j'ai eu à étudier. Je vous prie de ne pas la juger trop sévèrement, et gare au contenu latent...


notre prof d'histoire nous faisait un beau discours sur le capitalisme l'autre jour
si beau, sans déc, que j'aurais voulu l'enregistrer et en faire quelque chose
je ne sais pas si elle parviendrait à le redire avec autant de passion que devant ces yeux ébahis d'élèves fraîchement réveillés qui ne se posent pas particulièrement de questions et qui sont prêts à admirer quiconque pourrait leur en poser ou même leur fournir des réponses
oui, nous faisons tous partie du réseau capitaliste
il ne peut pas y avoir un monde qui ne serait pas capitaliste parce que simplement les hommes ne pensent qu'à eux, et que la société où avant de penser à soi on penserait à l'autre est purement utopique
mais n'accélérons tout de même pas le processus, pardi
"il y a plusieurs degrés de capitalisme, et le pire est celui qui est sauvage, mais il y en a un plus positif"
ne faisons pas de la publicité gratuite pour des produits issus d'un capitalisme sauvage, non, ne cautionnons pas cela.
il y a des gens qui paient pour faire de la publicité gratuite à starbucks. non, ce n'est pas une blague. il y a des gens qui ACHETENT des mugs starbucks. et là je pense : pardi, le client paie pour faire de la pub, mais dans quel monde vit-on ?
ah, starbucks.
la déshumanisation proprette.
oh, je ne suis pas allée à new-york ou londres ou hong-kong ou tokyo avant l'apparition de starbucks, parce que je n'étais pas née. mais j'ai quand même le sentiment, quand je les vois fourrés à chaque coin de rue, qu'ils remplacent quelque chose.
j'ai peur pour nos braves cafés parisiens et nos serveurs insolents et nos patrons de mauvaise humeur.
starbucks, c'est le monde du futur. le café propret. le "café light". quelle blague, sans blague.
je peux vous faire un demi-million dans l'heure. j'ai l'idée du siècle. écoutez un peu : des chips qui feraient maigrir. le voilà le monde du futur. des cigarettes qui vous réconcilient avec votre santé. 100% naturel. de la junk food bio. des usines écolo.
au starbucks, les serveurs ne sont pas humains. ils sont un maillon de la chaîne. ils sont tellement distants du noyau que l'on ne peut rien leur reprocher. comme une femme de ménage entre les deux portes d'entrée d'une banque. méthodiquement, ils inscrivent les prix qui leur ont été indiqués, et livrent les produits qu'on leur demande. aucune conversation ne peut s'établir. quand j'étais petite, on m'offrait des grenadines. je m'en souviens encore, je me souviens encore de quel café il s'agit. un bon tour, marketingement parlant. chez starbucks, on n'offre rien à l'individu parce qu'il est individu. parfois, il y a bien des offres promotionnelles, mais tout le monde peut en bénéficier. cela est plus juste. oui : un monde plus juste, plus aseptisé, plus propret. mais l'individu n'est alors plus un individu. je prends réellement peur face à cette organisation méthodique et inhumaine. il faudrait ouvrir une réflexion sur l'inégalité : est-ce que réellement une société totalement égale serait idéale ? je ne pense pas. l'inégalité est peut-être humaine. évidemment, je suis pour une réduction des inégalités, la question n'est même pas là, je ne devrais pas avoir à m'en justifier, pourquoi me regardez-vous ainsi ? je parlais d'une utopie, un monde sans inégalités.
je comprends un certain conservatisme. je comprendrais que l'on m'en accuse.

aujourd'hui est un jour important. quatorze février deux mille huit. N. et J. veulent boire un café et "discuter". J. propose le starbucks. honnêtement, personne n'est contre, et surtout pas moi. je pense déjà à mon mango frappé. c'est que je suis plutôt une habituée, j'y suis allée quelques fois, surtout à londres, et vraiment, ce mango frappé me fait trop craquer. devant la carte, par habitude, je prends un mango frappé, qui, putain, coûte quatre euros soixante-dix. sous la barre des cinq euros, je me fais tout de même la remarque que c'est plus cher qu'une formule pâtes dessert boisson au squab mais enfin. le robot encaisseur me propose "de la crème", je dis, oh, pourquoi pas, allez. EVIDEMMENT que je sais que TOUT a un prix. mais un instant, j'espère me tromper. après tout, le sucre est bien (encore) gratuit. les serviettes en papier également. pourquoi pas un peu de crème ? et bien sûr, le supplément est de cinquante centimes. cette formulation malsaine : DE la crème, elle m'a dit, pas "un supplément de" crème. ça me fait penser à cette petite étoile en coin de phrase, qui se réfère à une minuscule note au dos du contrat : *Ce contrat ne vaut rien juridiquement. cinq euros vingt, elle m'annonce, et là, ça dépasse les cinq euros. je me rappelle qu'à l'instant je voulais aller au cinéma, voir une séquence d'images de deux heures qui aurait pu chambouler mon existence... au lieu de ça, et pour le même prix, j'obtiens le droit de boire un mango frappé qui va me faire grossir et me durer une minute : su-per. EVIDEMMENT la caisse est en bas et le paradis des losers est en haut, et il n'y a pas de place pour nous. bien pensé, leur machin, aucun détail n'est négligé : on achète sans savoir s'il y a de la place, et puis on se rend compte qu'il n'y en a pas. la petite "discussion" que nous avions imaginée se transforme en séance de torture, dehors, par un agréable quatre degrés, sur une table dégueulasse, entre une station de métro, un trottoir vide, un plan du sixième arrondissement et une route. chouette. chouette, CHOUETTE. putain, c'est comme si j'avais le syndrome de la tourette, meuf, j'arrive pas à m'arrêter, merde, ça sort comme tout seul, chier : *******************

mercredi 13 février 2008

new New Balance



En fait cet après-midi c'était trop Noël.
J'ai demandé à Emile d'aller voir chez le gardien si on avait pas de colis parce que j'en attendais 2 et on avait toujours pas reçu le coupon "un colis vous attend dans la loge", en échange de quoi je devrais lui faire un goûter et lui acheter "La cicatrice" de Bruce Lowery que je lui avais conseillé mais que j'ai donné à quelqu'un un jour. Ok notre contrat était pas très équitable reste qu'en rentrant le mec avait deux cartons dans les mains : mes New Balance et une commande de DVDs pour mon TPE et mon propre plaisir.
On a tout déchiré bien comme il faut dans le respect des règles de l'enthousiasme, j'ai regardé les Dvds sans les sortir des blisters, j'ai chaussé mes NB et j'ai marché dans l'appart histoire de vérifier l'aérodynamisme. Nickel.

Demain en guise d'immersion dans l'IRL et de présentation aux cop's il sera question d'accorder toute ma tenue aux baskets et de me pavaner comme si j'étais Snoop Dogg, ensuite on pourra porter n'importe quoi, seule survivra la première impression.

vendredi 8 février 2008

Parallèle Hard Candy/Juno





Dans Hard Candy Ellen Page déclare qu'elle n'aime pas Goldfrapp
Dans Juno Ellen Page déclare qu'elle n'aime pas Sonic Youth


Dans Hard Candy Ellen Page porte un sweat à capuche rouge
Dans Juno Ellen Page porte -entre autres mais surtout - un sweat à capuche rouge

Dans Hard Candy Ellen Page flirte grave avec un trentenaire
Dans Juno Ellen Page flirte grave avec un trentenaire

Mais

Hard Candy est canon
Juno est plutôt moyen
je suis toujours un peu gênée devant un énième petit film indépendant où tout me paraît surjoué : des fringues bizarres aux comportements façon loser mignon écoutant de la folk aussi sucrée que le milkshake à la vanille du Mcdo. Dans ce registre Supergrave aurait dû boucler la boucle.

vendredi 1 février 2008

Tropique du Capricorne - Henry Miller



Henry Miller raconte qu'à chaque fois qu'il effectue un trajet, commence dans sa tête l'écriture d'un livre. Je me rend compte que ce même phénomène se produit chez moi. C'est simple : à chaque fois qu'il s'agit de marcher jusque chez moi, jusqu'au lycée, jusqu'au métro, toujours sans baladeur mp3, les mains agrippés à la sangle de ma besace, mon esprit se met à travailler comme jamais, à la façon d'une machine à laver qui arrive à la fin de son programme et qui tape un dernier sprint avant de s'arrêter. Mes meilleures pensées me sont toujours venues soit pendant ces pénibles et interminables trajets (j'ai failli dire "promenade" mais il s'agit ici de trajets qui me sont imposés, je ne prend pas l'air) soit les soirs d'insomnie, allongée dans mon lit à attendre que ça vienne.
Ces pensées sont tellement mais tellement nombreuses que quand je n'ai pas de quoi écrire, je m'efforce de toutes les retenir au moyen de mot-clés, une fois chez moi je bondis sur mon carnet, saisissant au vol un Bic débouchonné dans mon pot de crayons, et je recrache tout en pensant qu'un jour tout cela constituera la base d'un roman, enfin d'un truc important pour moi et pour les autres. Sinon ça m'arrive très souvent de les écrire dans les brouillons SMS de mon portable.

Danc l'extrait ci-dessous Henry Miller parle de ce livre désincarné mais aussi d'évasion, de sa profonde haine du travail (omniprésente dans le livre) mais aussi et surtout de l'envie comme de l'urgence d'écrire. Vous n'êtes pas obligés de lire ce passage, je vois bien que c'est long mais je me disais que beaucoup d'entre nous connaissent ce phénomène-là. Ca me fait penser à Douglas Coupland qui racontait que chaque individu portait une lettre en lui et qu'on pourra la lire seulement si tout au long de sa vie on arrive à être un tant soi peu sincère envers nous-même. souvent j'ai l'impression que toute mon attention et mes forces convergent vers la lecture de cette lettre, de ce livre, comme une obsession.

"Ce que j'avais commencé au milieu du pont de Brooklyn, c'était ce qu'inlassablement j'avais commencé et recommencé autrefois, quand je me rendais à la boutique de mon père : une représentation qui se répétait jour après jour, comme en transe. En un mot, ce que j'avais commencé, c'était un livre - le même livre toujours. Un livre d'heures, le livre de l'ennui et de la monotonie de ma vie, au coeur d'une activité de bête fauve. Durant des années, je n'avais pas pensé une seule fois à ce livre que j'écrivais pourtant chaque jour, de Delancey Street à Murray Hill. Mais en traversant le pont, le soleil couchant, les gratte-ciel luisant doucement comme des cadavres phosphorecents, les souvenirs du passé sertis dans ce paysage...les souvenirs...je me revois passant sur le pont pour me rendre à mon travail, qui était la mort, et le franchissant à rebours encore, pour regagner un foyer qui était une morgue, me récitant Faust par coeur tout en regardant le cimetière en bas, crachant sur le cimetière du haut du métro aérien, et le même employé sur la plate-forme tous les matins, une espèce de crétin, et les autres crétins le nez dans leurs journaux, de nouveaux gratte-ciel en construction, tombeaux tout neufs où travailler et mourir, les bateaux défilant en contrebas, "Fall River Line", "Albany Day Lane", pourquoi diable vais-je travailler ? que ferai-je ce soir ? [...] peut-être chaque fois qu'il m'arrivait de passer là-haut, quelque chose se mettait-il à me haler, me pressant d'en finir et de me faire connaître du monde; toujours est-il que chaque fois qu'il m'arrivait de passer là-haut j'étais véritablement seul, et chaque fois le livre commençait à s'écrire de lui-même, hurlant les choses dont je ne soufflais jamais mot, les pensées que je ne formulais jamais, les entretiens que je n'avais jamais eus, les espoirs, les rêves, les illusions que je ne voulais jamais avouer."

Les Occupés sont