mercredi 5 novembre 2008

Paris, Texas - Wim Wenders



Au début je croyais à un film qui partait de Paris pour arriver au Texas, quand j'ai vu que le film commençait au Texas, ou disons plutôt dans un endroit qui ne pouvait être Paris (je connais un peu cette ville et je sais qu'il n'y a pas de désert) je me suis dit "ah, tiens, mais, peut-être que "Paris, Texas" sonnait mieux que "Texas, Paris", ce qui est le cas, mais on se rend vite compte que pas une seule fois il n'est question de la capitale et que le titre doit être pris au sens de la ville de Paris au Texas, je pense que c'était évident mais à mes yeux ça ne l'était PAS.

Je crois que j'adore Wim Wenders, suffit de jeter un oeil aux Ailes du désir pour réaliser que ce mec a tout compris à la vie, au cinéma, et au cinéma dans la vie et à la vie dans le cinéma et à comment on fabrique de l'émotion à partir de casting toujours nickel et d'une caméra. Esthétiquement c'est parfait : on a tendance à penser qu'un film aux belles images sera plutôt pauvre en dialogues, contemplatif, et que toute l'énergie du réalisateur se focalisera sur l'image, Wim Wenders, c'est le mec qui dit : ça va beaucoup parler mais ce sera quand même magnifique et ça ne compromettra pas pour autant le bon déroulement de l'histoire. Rien que les affiches, enfin, tout le monde a plus ou moins en tête l'affiche des Ailes du désir, peut-être moins celle de Paris, Texas. Il est question d'une femme habillée en rouge, une superbe nana, blonde cinéma, magnifique, qui n'a rien à voir avec le titre et qui apparaît très à la fin du film, cette image me hantait, à chaque fois que j'allais au Virgin je croisais le dvd, je croisais cette image, un monstre de fantasmes, un bac à sables pour l'imagination qui ne pouvait s'empêcher de construire des montagnes sur du rien, sur trois éléments : Paris, Texas, cette fille, c'était trop.

Un film de Wenders dure 2 heures, il est convenu de prendre ses aises, d'être bien installé, à la limite ce serait pas mal de le chopper au cinéma, je donnerai tout pour "Les Ailes du désir" au cinéma, la semaine dernière j'ai vu qu'il passait sur Paris "Paris, Texas" avec un orchestre en début de film, tout ça pour 12€, le prix du dvd. Bref.
C'est l'histoire d'un homme échoué dans un bar en plein désert, dans son portefeuille un nom avec un numéro, l'homme qui l'a retrouvé appelle ce numéro et tombe sur son frère. L'homme échoué avait disparu depuis 4 ans, il a un fils qui habite maintenant avec son frère et qui l'appelle papa, il a une femme disparue aussi. Le film est la réhabilitation de cet homme au sein de sa vie, il faut tout réapprendre, réapprendre à manger, à parler, à dormir, réapprendre à avoir des besoins lui qui n'en a plus, réapprendre à se souvenir, redevenir cet homme-frère et cet homme-père, réapprendre la tendresse et l'amour paternel, se réapproprier son fils, retrouver sa femme et puis se rendre compte que 4 ans passés tout seul auront eu raison de soi, j'aime cette femme et ce garçon mais que je ne veux pas me mêler à tout ça, je ne tiens pas à m'attacher, tout ça est beaucoup trop pour moi, un homme comme moi (et je me connais) ne mérite pas autant, est étranger à tout ça. Alors, sans me retourner, je prends ma voiture et je sillonne les routes, je suis un brave gars.
A la façon des Ailes du désir, le parcours de l'homme échoué est semblable à celui de l'ange, et pour Wenders c'est toujours une bonne occasion de revenir sur ces petites choses et situations de la vie que le cinéma et la littérature ne cessent de glorifier, dans les deux films l'apprentissage de la vie n'allait pas sans l'apprentissage du bonheur, la douleur ne peut se faire que dans la solitude, hors de la société. L'ange finissait par éprouver le désir d'être humain : Wenders voulait nous faire voir la vie des hommes vue par un autre regard tout aussi conscient et intelligent que celui de l'homme mais qui ne serait pas le sien : ce sera l'ange. Nous devenions ces anges qui regardaient ces hommes sans pouvoir les comprendre ni intervenir, ces anges qui demandaient à avoir des sens et des sentiments. Ce qui en résultait ce que l'homme avait de la chance et ne pouvait s'en rendre compte, Wenders nous offrait ce regard extérieur comme la prise de conscience de cette chance.
Dans les Ailes du désir, l'apprentissage de la vie/du bonheur donnait cette scène à pleurer où l'ange découvre le froid, le sang et le café, ici dans Paris, Texas cela prend la forme d'une vache qui rit qu'on mange à l'arrière de sa voiture avec son fils. Dans les deux cas les deux personnages intégraient la vie tout en gardant leur innocence, leur bonté, une certaine pureté, ils arrivaient à vivre sans pour autant finir comme des brutes blasées, sans rien perdre de leur altruisme et de leur curiosité, gardant cet émerveillement qui en temps normal quitte le corps adulte, et à l'heure où je vous parle on ne sait toujours pas qui sera le 44ème président des Etats-Unis, damn it.

3 commentaires:

Manon a dit…

Je découvre "Les occupés" - qui a surtout l'air d'être occupé par Murielle, donc je m'adresse à Murielle : c'est un super blog, ça me plaît vraiment beaucoup, mais comme il n'y a aucune date je n'arrive pas à savoir s'il est toujours en activité?

A part ça : Wenders, c'est mon père (spirituel... dans mes rêves) et merci pour ce beau billet. Oui c'est un génie, du moins, il le fut. Tout ce qu'il touchait, dans les années 80, devenait du pur cinéma. Je te conseille de regarder Room 666 (un film assez rare de Wenders) pour voir comment il fait de l'or avec une chambre d'hôtel, un écran de télé et des réalisateurs.

Et puis "Tokyo-Ga", et puis "Carnets de notes sur vêtements et villes", et toutes ses fictions... pas tellement les récentes, mais tu peux tout de même inclure "Don't come knocking" qui est réussi, dans une veine wendersienne, certes pas neuve, mais qu'on aime...
A te lire, si tu continues, je l'espère.

Murielle Joudet a dit…

j'ai vu il n'y a pas longtemps "Carnets de notes sur vêtements et villes", j'ai trouvé ça détestable et peu inspiré. La mode et le cinéma ne doivent pas délibérément fricoter ensemble. J'ai aussi vu Land of Plenty qui m'a paru fade et mièvre, c'est très choquant de voir à quoi se réduit Wenders aujourd'hui. Je pense donc me consacrer à sa période 80's comme vous semblez me le conseiller.

Je viens de mettre les dates des articles, il est vrai que je poste très très peu sur ce blog, disons que c'est aléatoire.

Manon a dit…

C'est drôle, j'ai trouvé "Carnets de note" formidable, justement parce que la mode n'est qu'un prétexte. Et qu'on y parle finalement plus du Japon et d'un homme, Yohji Yammamoto, que de fringues ou de mannequin. C'est aussi un temps où la mode était simple, proche du corps humain, sobre, reposante et artisanale.

Il faut savoir que c'est d'ailleurs un film de commande du Centre Pompidou!

C'est vrai qu'aujourd'hui, Wenders a grandement baissé. Mais avec la période 80's, vous êtes sûre de trouver des perles en effet!

Les Occupés sont