vendredi 31 octobre 2008

Des nouvelles du Fordisme

Les nouvelles on dit que c'est des "récits courts", ce qu'on ne dit pas c'est que les nouvelles nous paraissent toujours trop longues. La nouvelle n'a déjà pas tellement d'ambitions, il manquerait plus qu'elle s'éternise. Richard Ford écrit des nouvelles quand il n'écrit pas des sagas, il a eu le prix Pulitzer pour son roman "Indépendance", en écoutant le masque et la plume j'avais mis tout en oeuvre pour retenir son nom et puis ensuite, j'avoue, j'ai acheté le Transfuge sur lequel il était en couverture. Richard en blanc, Ford en jaune, un nom de ricain qui promettait une écriture tout aussi américaine, merde, j'adore la littérature américaine.

Dans l'article on le comparait à Raymond Carver, petites fables du quotidien, le bonheur d'un bon café avant une journée de travail, la réconciliation du fils avec le pater familias, des trucs dans le genre, quand c'est bien fait c'est ce que je préfère, c'est ce sur quoi se rue en premier mon petit coeur littéraire adolescent, rouge comme la couverture de l'attrape-coeur (ok j'arrête), je réserve le reste de la littérature à des jours plus glorieux pour mon ouverture d'esprit (science-fiction, j'arrive).
Je saurai pas vous dire ce qui cloche chez Carver et chez Ford et chez Fitzgerald par la même occasion, je me sens pas dans un bon jour pour vous faire une critique constructive, quand je relis ce blog je me trouve globalement assez médiocre, je manque de méthodes, la situation initiale arrive difficilement à progresser et j'imagine que je n'ai jamais donné envie à quelqu'un de lire un livre ou de voir un film, à la limite j'ai dû vous réveler l'existence de tel groupe ou de tel écrivain et puis basta.
J'en parlais un peu plus bas, le problème est définitivement dans les personnages, en trois mots et demi ça pourrait se dire : ON N'Y CROIT PAS, tout simplement. Vous dire pourquoi, c'est un peu difficile, disons que ce serait comme si le visage de l'écrivain (un peu comme sur la couv de Transfuge) apparaissait en surimpression sur le décor ou encore mieux, comme si les personnages évoluaient, mais sans visages, c'est exactement ça, voilà, à la limite vous pouvez vous arrêter de lire ici => .

Chez Ford (ils vous offrent la clim, lol) le gros point fort se trouve dans la subtilité, la pensée rafraichissante au milieu de tout un décor un peu bancal et répétitif, chambre d'hôtel quand ce n'est pas la grande résidence d'Esther, avocate désabusée à la poitrine exprimant le contraire, qui plus est harcelée par son beau-frère, on s'imagine Ford dans sa grande maison en bois avec le drapeau américain qui slalomme dans le vent, appelant sa femme, "hey Rebecca, regarde, viens un peu, j'ai trouvé une phrase pas mal, pas mal du tout bébé", phrase qui 5 ans plus tard se téléporte jusqu'à Courbevoie, magie de la littérature sans intervention d'internet, wow,
exemple de phrase pas mal :

"Henry (l'américain, ndlr) aimait lire la presse canadienne, tout ces articles au sujet de ce qui allait de travers sans qu'il ait à s'en préoccuper"
"Le panneau vert était en vue. AEROGARE/AIRPORT. Quelle corvée de tout écrire en double"
ou encore, mais cette phrase est peu compréhensible sans ce qui précède, dites vous juste qu'il est au lit avec sa maitresse et qu'il pense à tout ces bons moments, le mec est un peu vieux :
"Et il pensa : où cela avait-il disparu dans ma vie? Comment le conserver? Puis il se dit : mais non. Cela ne se conserve pas. Tu le prends quand c'est offert".
Dans le contexte ça a forcément plus de gueule.
En fait, parce que ma pensée évolue assez vite, ce que ces écrivains préfèrent par-dessus tout, c'est revenir sur le passé de leurs personnages forcément chaotique pour expliquer le comportement actuel
ma femme m'a quitté avec mon jardinier => voilà pourquoi maintenant je fais des bêtises
Et puis ce côté "bilan de la vie" qui justifie la propension au renoncement qui (dés)animent les personnages, : on est tous foutus, on a fait des erreurs, le passé est le passé, jouissons de la vie, peu importe ce qu'il nous en coûte, peu importe si ça se fait de manière inconséquente ou encore "j'ai des responsabilités mais je dénoue ma cravate", bref une littérature pouvant se résumer en une très méchante utilisation d'une phrase de Dostoievski initialement réservée à Dieu :
"si le bonheur n'existe pas, tout est permis" et l'écrivain de retranscrire les défaillances, l'envers du décor.
Cherchez moi un livre américain (et vous en trouverez parce que je n'ai pas lu tant de livres que ça) qui ne parlent pas de ça et je vous envoie une lettre par la Poste avec marquée "tu as raison, je ferme ma gueule".

Finalement, je ne vous conseille pas de lire Richard Ford (en dehors de la première nouvelle de 4 pages, éblouissante, et qui figurera dans le prochain radio vernis, là encore je m'occupe de tout), un peu plus Raymond Carver qui fait office de maitre en matière de nouvelles, c'est pas non plus nickel mais au moins ça aura l'avantage de démystifier le personnage. Notons aussi que la couverture de Péchés Innombrables est honteuse, je la censure exprès pour témoigner de mon profond dégoût pour les éditions du Points qui n'ont jamais su faire les choses convenablement, autant pour les résumés que pour les couvertures, c'est assez catastrophique mais je me dis que, finalement, la couverture genre photo Getty Images est assez fidèle au contenu, un théâtre d'archétypes.

Péchés Innombrables - Richard Ford, Edtions du Points, 372 pages, 7,50€

1 commentaire:

Antonia a dit…

"et j'imagine que je n'ai jamais donné envie à quelqu'un de lire un livre ou de voir un film, à la limite j'ai dû vous réveler l'existence de tel groupe ou de tel écrivain et puis basta."

Ca vaut ce que ça vaut mais j'ai lu beaucoup de livres et vu beaucoup de films grâce à tes blogs, le plus souvent je connais déjà de nom, donc c'est ta façon d'en parler qui donne envie, au moins à moi, mais je ne pense pas être la seule.

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