dimanche 12 octobre 2008

Paris est une teuf - Ernest Hemingway

Commencer par lire "Paris est une fête" avant les grands romans d'Hemingway c'est un peu comme manger un yahourt aux fraises sans jamais avoir goûté le fruit fraise, c'est à dire qu'on passe à côté de la vérité et que si on prend pas conscience de ça on va se dire : Hemingway? Mouais.
Lire les oeuvres mineures d'un écrivain c'est un signe de faiblesse, un signe que les autres oeuvres sont encore trop immenses pour nous, qu'on en entend tellement de bien que là encore on a pas envie d'obéir, alors on prend des chemins détournés, plus confidentiels. Quand on a pas l'habitude on se risque à juger un écrivain à ses petites oeuvres "mineures" et intimes, et puis si on a de la chance on tombe sur un écrivain qui n'a pas beaucoup écrit et qui a écrit l'essentiel de ce qu'il avait à dire en trois livres, son oeuvre est alors plus facile à lire dans son intégralité.
L'écrivain type qui alterne roman important et roman confidentiel, pour moi ça reste Philippe Roth.
Il y a les grands romans : la tâche, la symphonie pastorale, portnoy et son complexe, la bête qui meurt, tout ça tout ça, et puis les autres, les mignons : tromperie, patrimoine, goodbye columbus, quand elle était gentille, etc. C'est vraiment ça, je veux dire on peut vraiment séparer sa bibliographie en deux, prêter un pseudonyme à une des deux périodes.
Ce genre de phénomène montre bien que l'écrivain est tout plein de choses bizarres, pas forcément opposées mais différentes, qu'il peut être grave comme rigolo, s'essayer à l'autobiographie comme à une immense fresque de l'amérique où le "je" ne se trouverait nulle part.
Bon je m'éloigne,
"Paris est une fête" est une sorte de roman découpé en petites histoires qui se sont toutes vraiment passées à Paris puisqu'on y croise Joyce, Picasso, Ezra Pound et tout plein d'écrivains de la Lost Generation, c'est même dans ce livre que le terme apparaît pour la première fois.
Que dire? et bien, si vous aimez le Paris des grandes brasseries et des petits cafés ça devrait vous plaire puisqu'il n'est presque que question de ça, de plaisirs simples (amour, gastronomie, amitié, rayon de soleil dans ta face) narrés dans une écriture tout aussi simple et souvent efficace mais un peu facile dans l'émotion, Hemingway est pauvre mais heureux puisque habitant à Paris et, quand même, "avec 5 francs par jour, à l'époque où pouvez vivre et même voyager". Voilà voilà.

Le livre en trois extraits :

1
"Quand le printemps venait, même le faux printemps, il ne posait qu'un seul problème, celui d'être aussi heureux que possible. Rien ne pouvait gâter une journée, sauf les gens, et si vous pouviez vous arranger pour ne pas avoir de rendez-vous, la journée n'avait pas de frontières. C'était toujours les gens qui mettaient des bornes au bonheur, sauf ceux, très rares, qui étaient aussi bienfaisants que le printemps lui-même."

2
"Vous pouvez acheter soit des vêtements soit des tableaux, dit-elle. C'est tout le problème. Sauf les gens très riches, personne ne peut acheter à la fois les uns et les autres. Ne faites pas attention à la façon dont vous êtes habillés et encore moins à la mode, et achetez des vêtements qui soient solides et confortables, et l'argent que vous aurez économisé vous servira à l'achat de tableaux."

3
"LA FAIM EST UNE BONNE DISCIPLINE
Il y avait de quoi se sentir très affamé, quand on ne mangeait pas asez, à Paris; de si bonnes choses s'étalaient à la devanture des boulangeries, et les gens mangeaient dehors, attablés sur le trottoir, de sorte que vous étiez poursuivi par la vue ou le fumet de la nourriture. Quand vous aviez renoncé au journalisme et n'écriviez plus que des contes dont personne ne voulait en Amérique, et quand vous aviez expliqué chez vous que vous déjeuniez dehors avec quelqu'un, le meilleur endroit où aller était le jardin du Luxembourg car l'on ne voyait ni ne sentait rien qui fût à manger tout le long du chemin, entre la place de l'Observatoire et la rue de Vaugirard. Une fois là, vous pouviez toujours aller au musée du Luxembourg et tous les tableaux étaient plus nets, plus clairs et plus beaux si vous aviez le ventre vide et vous sentiez creusé par la faim. J'appris à comprendre bien mieux Cézanne et à saisir vraiment comment il peignait ses tableaux, quand j'étais affamé. Je me demandais s'il avait faim, lui aussi, lorsqu'il peignait; mais j'en vins à penser que, peut-être, il oubliait tout simplement de manger."

PS : la couverture n'est pas vraiment celle qui s'offrira à vous au moment de l'achat, elle est mille fois plus moche et j'ai du mal à la trouver sur le net.

Paris est une fête - Ernest Hemingway, 241 pages, Folio, 5,04€

1 commentaire:

Azo a dit…

La couverture avec la grande roue floutée est presque aussi laide que celle que tu as trouvé sur le net, si ce n'est le côté naïf du gingin-clope.
Pour ce qui est du livre en lui-même, c'est plutôt bien résumé mais les extraits choisis sont très intéressés : gentillet, un brin naïf ( bordel de répétition ) mais c'est sans doute pour souligner l'arrière-goût de Paris bonne croûte qu'Hemingway nous laisse. Disons qu'on suit Hemingway s'émerveillant d'une vie simple et heureuse dans un Paris de carte postale du bon vieux temps d'avant la guerre ( la deuxième ). Que dire de plus sinon qu'il contribue au cliché américain du "Pairiss", celui où il fait bon manger, bon vivre et bon écrire.
J'ai aussi goûté le velouté fraise avant la fraise et disons que, si ce n'est pas désagréable, je préfère quand même le velouté framboise.

Quid de la framboise ?

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