jeudi 27 septembre 2007


Elle est là, dans le couloir, à attendre son tour. Je la précède. La table au fond, les feuilles de brouillons standards disposées dans un coin, en petite pile jaune pâle. Pendant qu'une personne est interrogée. Se concentrer vite sur le texte à étudier en moins de 10 minutes. Le mec défend ses compétences et son savoir, à 5 mètres devant moi. Ca me déconcentre un peu. Un moustique hors-norme se pose sur ma main, sans détour, ça me déconcentre un peu plus encore. Ce truc est vraiment énorme. Soupe au sang pour Boucle d'Or mosquito. Et Papa Moustique est grand maintenant. 3 secondes après que l'insecte se soit posé, je peux plus tenir, je tapote, pas plus convaincu que ça, impressionné surtout. Je le loupe, il s'envole, merde. Là, je suis agacé, mais surtout j'ai pas envie que ce moustique revienne pour me boire. J'ai vu trop de trucs sur les moustiques, ceux qui en plus de te piquer ton sang te refilent des maladies dont les photos des symptômes sont mêmes pas trouvables sur Google Images. J'ai pas trop envie d'en parler, hein.

Okay, je fais comme si je m'en foutais. J'écris des évidences argumentatives sur mon brouillon, déductions bateaux, on continue, je remplis. J'écris mal et vite, au stylo, Comic sans MS, taille 18. Je fais pas dans le détail. Je passe la main gauche sur la nuque, dans le cou, comme pour déblayer quelque chose. N'importe quoi. Je passe dans moins de 5 minutes. Il faudra compter sur mon talent d'improvisation. Je stresse pas, je suis à fond. Il se pose sur ma joue, l'effronté. Je le gifle mollement, et avec le sourire, au cas où l'examinateur jetterait un oeil dans ma direction. J'en peux plus. Je vieillis de 10 ans en 2 minutes. Le moustique me soutient à chaque instant, je le sens. Compagnon de douleur. À chaque étape, il est là, dans la performance. Il me donne des Haribo à chaque col de montagne. Il est près de moi. Il me ménage et m'encourage. Il me siffle affectueusement. Il fait frémir mon sang. Il me parfume au Dragibus. Servir chaud. Et déguster. C'est mon tour. Je change de place.

Alors que je suis interrogé, la fille passe à ma place, permutation d'un rang. J'ai oublié le moustique. Je dis les choses avec plus d'aplomb que ce qu'elles valent. Je regarde mes notes, l'examinateur, son visage, et sa barbe bizarrement taillée. J'alterne régulièrement. Texte, notes, barbe, visage, notes, visage, texte, notes, texte, notes, barbe... J'occupe mes mains nerveuses en tordant mes manches, en les retroussant, en les rabaissant. Ma main presse sans passion mon avant-bras, contorsions. J'ai fini, il paraît. Je me contente du bonheur d'avoir fini. Je me lève, me retourne et voit cette fille griffonner d'ultimes notes. L'examinateur me dit des choses sur l'issue de l'examen, sur la date des résultats, sur "bon courage pour la suite", sur la feuille d'émargement que j'ai déjà signée. Je vois lui, je pense elle. Il me remercie, je dois me barrer de la salle, donc. Je regarde vers ma nouvelle amoureuse. Je devais déjà un peu la kiffer quand je la voyais dans des cours qui étaient sans doute super intéressants. Ses yeux valaient au moins le pain au chocolat de la caféteria. Elle prend ses dernières notes donc, et là je vois le moustique voler près d'elle, à la même place où j'étais... Putain, il gâche tout, et elle devient soudain quelconque. Comme la fois où j'avais remarqué qu'elle s'était trop mal maquillée. Comme la fois où j'ai découvert qu'elle avait un copain. Ces détails la rendaient trop laide. C'était mon moustique nul, c'étaient mes ennuis nuls, et maintenant elle est confrontée aux mêmes problèmes ordinaires. Je suppose qu'elle a dû vaguement se débattre aussi. Je suppose que le moustique faisait partie intégrante de l'épreuve. Je suppose que ça me dégoûte. Ces yeux deviennent des globules, ce visage une blague, ce sourire une rangée d'osselets. Elle est aussi misérable que moi il y a quelques minutes. Elle est minable. Je sors. Adieu.

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