dimanche 4 novembre 2007

Etre sur Terre et ce que j'en retiens



Je voudrais d'abord que tu me dises quelque chose : quand tu seras mort et enterré et flottant peu importe où, là où nous allons tous, quel sera ton meilleur souvenir de Terre?"
"Tu veux dire quoi? Je ne comprends pas"
"Quel moment précis définit pour toi la vie sur cette planète? T'emportes quoi comme sandwich?"Là, silence. Tobias ne voit pas où elle veut en venir, et franchement, moi non plus.Elle continue :"Les expériences yuppies bidon, cellles pour lesquelles tu as été obligé de payer, le rafting sur les rapides ou la balade en éléphant en Thaïlande, ça ne compte pas. Je veux un instant de ta vie qui prouve que tu es vraiment vivant."
Douglas Coupland - Generation X

J'ai réfléchi le temps d'une minute à ce qui pourraît être chez moi le moment qui définit le plus la vie en général, celui où j'ai senti tous mes sens être au plus fort de leur intensité comme s'ils avaient décidé eux aussi de profiter de la vie.
Les premiers souvenirs qui vous viennent à l'esprit sont souvent les bons, il ne faut pas aller chercher plus loin.

C'était il y a 2 ans pendant les grandes vacances, l'année où je ne suis pas partie au Liban mais 2 semaines à Eastbourne, pas loin de Brighton et donc de Londres, une ville surnommée "la salle d'attente doré de Dieu" car surtout peuplée de senior aisés venant prendre congé avant le grand saut.
On était sur un campus universitaire répartis en petits groupes dans des "flat" auxquels on accédait à l'aide de badge et chacun avait sa chambre plus une salle commune pour chaque flat. Il y avait des italiens, des espagnols et nous les français.
Je ne sais plus comment elle s'appelait mais je lui avais prêté mes ballerines noires qu'elle avait d'ailleurs trop élargies avec ses grands pieds. En cherchant bien je crois qu'elle s'appelait Camille et elle venait d'acheter dans une parapharmacie un petit fer à lisser qui lui avait coûté 9£. Je comptais bien en profiter moi qui le lendemain de mon arrivée avait acheté chez Mark&Spencers un sèche-cheveux de voyage marchant moyennement, en constatant que les prises en Angleterre différaient des françaises et que je n'avais pas d'adaptateur.

C'était l'heure de la pause, du quartier libre, après les cours et après le déjeuner, on était dans l'obscurité de sa chambre, j'étais assise sur son lit en face de la fenêtre et je voyais Roberto jouer dehors, un italien dont j'étais plus ou moins tomber amoureuse avant de "rencontrer" l'animateur libanais.
Elle a attendu que le fer chauffe et elle a commencé à me lisser les mèches une à une et à me toucher la tête de sorte à ce que ça me fasse du bien, vous savez comment. Elle le faisait dans le silence et il y avait du soleil. J'ai ressenti une vive émotion, proche d'un sentiment intense d'épanouissement -bien sûr toujours mêlée à de la tristesse- car je savais que quand elle aurait fini je retournerai dans ma chambre me préparer pour ce soir, pour la boîte de nuit et qu'ensuite on marcherai longtemps jusqu'à la plage pour s'y rendre et qu'on parlerai de choses dont on avait pas encore parlé durant la première semaine et qu'après la boîte de nuit on rentrerai et je dormirai super bien dans mon lit et le lendemain serai à peu près similaire à quelques instants près.
Bref j'avais l'impression que le bonheur était nouveau et infini, je me sentais une insulaire, j'étais d'ailleurs sur une île. Je vivais entourée de petites briques très rouges, de maisons pastelles, de trottoirs parfaits, d'amitiés ensoleillées, de battle de hip hop, et de pommes de terres chaque jour cuisinées sous une forme nouvelle, c'était tristement kitsch. Je m'achetais des Cds et des fringues, ma mère me rechargeait ma carte de crédit à chaque fois que je le lui demandais. Un bonheur complet, non repérable sur un calendrier.

Bien sûr le dernier jour je n'ai pas pû m'empêcher de pleurer comme une connasse. je m'étais jamais vu dans un tel état, un mélange de nuit trop courte, de chansons pop tristes (belle and sebastian et supergrass toute la nuit dans l'herbe et puis dans mon lit) et je savais pertinemment qu'une fois de retour chez moi plus rien ne devra être comme avant car il n'y aurait pas cet environnement si propice aux rencontres et aux bavardages. Je parlerai quelques jours sur MSN avec les filles qui étaient avec moi là-bas et on se perdra de vue à jamais après quelques mois. C'était encore une fois quelque chose qui appartenait au domaine du never more, un avant goût de ce que la mort me réservait, mourir doit faire mal au coeur.

Et moi qui chialait dans le bus, Irène l'animatrice qui me prend dans ses bras, la première fois de ma vie que je me laisse aller à ce que je considérais comme des enfantillages. Je me suis inconfortablement endormie, les larmes sur les joues, et quand le car s'est arrêté devant une aire d'autoroute je me suis précipitée au petit supermarché pour acheter des biscuits, des madeleines et du Yop et me goinfrer jusqu'à ce que mort s'ensuive.


5 commentaires:

effrontée a dit…

tu veux nous faire pleurer ? :'(

Murielle Joudet a dit…

oui un peu...

PLEURE

effrontée a dit…

pleutres pleurs sur la pleine pâleur de tes palourdes en pluie. n'aie pas peur de déplaire pour si peu, ce n'est pas l'heure, pardi.

Anonyme a dit…

J'ai pleuré à cause des madeleines et du Yop......

TROP TRISTE....
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Murielle Joudet a dit…

et bah oui, c'est comme ça la vie, y'a des hauts et des très bas et entre les deux y'a beaucoup de bouffe.

Les Occupés sont