mercredi 24 septembre 2008

Que je sois fusse

Ce qui me fascine chez Bégaudeau c'est sa discrétion, la façon qu'il avait eu dans son livre de ne pas mélanger vie privée et vie professionnelle, peut-être c'était aussi pour ça qu'il était chiant, ce livre. Je veux dire, j'aurai bien voulu savoir ce qu'il faisait après les cours, s'il regardait la télé ou mangeait des bananes, c'est ça qui manquait finalement, le voyeurisme.
Quand Bégaudeau parle de l'école il ne parle que de l'école, quand il fait de la docu-fiction, il s'implique et ne digresse jamais, c'est peut-être pour ça qu'il a fait de bonnes études, parce qu'il est rigoureux, qu'il faisait ce qu'on lui demandait alors que moi je pouvais pas m'empêcher de raconter ma vie dans mes copies de maths. Lui c'est quelqu'un de sérieux qui ne s'éloigne jamais de son objectif premier, et quand il s'éloigne ça ne dépasse jamais la cour de récré, dans le livre comme dans le film la seule scène extérieure est au début, quand il est appuyé sur le comptoir d'un café, qu'il appréhende mollement la rentrée, mais là encore, il est sûr de lui, il sait où il va.

Je suis très amoureuse de François Bégaudeau, là j'hésitais un peu, mais il n'y a désormais plus de doute, c'est peut-être pour ça que j'ai tant aimé le film. On ne juge pas son mec.
Déjà j'aime bien sa petite tête encastrée dans son gros cou, il me fait penser au papa dans les Indestructibles, et puis il porte des trucs bizarres, très simple, très fonctionnel, t-shirt et gilet en automne, t-shirt Celio en été. Couleur de base : kaki, gris, noir, blanc, rouge, beige.
Il porte même un jean, un jour une de mes profs m'a dit que les profs doivent absolument éviter de porter des jeans, mais Bégaudeau en porte un, ça le moule un peu. C'est vrai qu'on dirait qu'il est gay.

Les autres professeurs sont de vrais professeurs, je crois qu'une tête de prof ça ne s'invente pas, c'est à la fois impossible à repérer dans le métro mais d'un autre côté une fois qu'on le sait on se dit qu'ils ne pourraient pas faire un autre métier, ces gens-là.
Il y a surtout le prof d'histoire géo et la prof blonde et enceinte qui sont incroyables, cette dernière je l'avais vu réagir au film dans un reportage sur un JT, elle disait que ce film montrait bien qu'"on n'enseignait pas qu'à des abrutis", dans le film elle porte des robes légères mais bien moulées sur son corps, ses bras sont potelés.

Bien évidemment, dans le cinéma dit "naturaliste", tout le monde garde son vrai prénom alors Esmeralda s'apelle Esmeralda et Boubakar s'appelle encore Boubakar (j'ai un Boubakar dans ma classe de TL). Un petit paquet d'élèves se distinguent du tas, et si on y réfléchit un peu : c'est exactement comme ça que ça se passe en classe, ici l'élève se distingue à la fois aux yeux du public qu'aux yeux de la classe entière, il ne peut briller que par ses répliques et ne peut se faire détester que par ce même moyen. On se rend bien compte que la parole est libre, Laurent Cantet laisse carte blanche à ses acteurs comme un professeur laisse tacitement carte blanche à ses élèves. Comme le dit mon prof de philosophie "l'école est le seul endroit où on ne se soucie pas des conséquences de ses actes", le cinéma aussi.
Beaucoup de critiques ont dit qu'il s'agissait d'un film sur le langage, oui oui, mais si on y réfléchit deux minutes, l'école c'est surtout des pièces vides, des chaises et du langage. On le sait tous : c'est très pauvre une salle de classe et c'est ce qu'essaye de montrer le dernier plan du film. Les salles sont les mêmes, les enfants les traversent.
La classe c'est aussi le plus bel exemple des pouvoirs d'une présence humaine sur un lieu, ou comment trente élèves entre des murs réchauffent soudainement l'atmosphère. Ce film c'est aussi "voilà ce qui se passent tout les jours sur la terre, de dehors ça n'a l'air de rien mais à l'intérieur ça bouillonne, on malmène des stylos, on somnole, on proteste, on rigole un peu, on charrie énormément, et ça personne ne le voit ni ne l'imagine.". Petit miracle quotidien, à l'abri de tout. Quant à la mixité sociale, ça n'a toujours été qu'une question de hasard.

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